Jean-Claude Servais, Le fils de l’ours

Quand le Merveilleux…

Pour ce nou­vel album, Jean-Claude Ser­vais s’appuie sur trois élé­ments prin­ci­paux, la légende de Jean de l’Ours, celle de sainte Richarde et le fait que le der­nier ours du mas­sif vos­gien ait été abattu au XVIIe siècle.
Son ima­gi­na­tion féconde les conjugue dans un récit qu’il est le seul à savoir rendre attrac­tif.

Richarde de Souabe, au IXe siècle, épouse Charles III le Gros. Son intel­li­gence pour les affaires du royaume attise des jalou­sies. Elle est accu­sée d’infidélité et, mal­gré un juge­ment de Dieu favo­rable, elle est répu­diée. Elle se réfu­gie en Alsace d’où elle est ori­gi­naire. En prières, un ange lui demande de construire une abbaye à l’endroit où elle verra une ourse et son petit. Ce sera l’abbaye d’Andlau.
Sut­ter tue la der­nière ourse dans la val­lée de Muns­ter au XVIIe siècle et orga­nise une fête. Maria et Eva, des jumelles à la répu­ta­tion de sor­cières, se mêlent au groupe des pay­sans en liesse. Mat­this, le fils Sut­ter, est sub­ju­gué par elles. Plus tard, il rejoint Maria. Eva pré­fère la com­pa­gnie d’un ours et s’introduit dans sa tanière. Maria ne la reverra pas. Mais elle est enceinte et épouse un Mat­this ravi alors que son père ne l’est pas.
Elle dis­si­mule sa gros­sesse, en fait, elle vit celle de sa sœur… Mais avec un chas­seur qui n’a de cesse de vou­loir éra­di­quer l’ours de la région…

Jean-Claude Ser­vais avait envie de des­si­ner des ours depuis qu’il avait vu le film que Jean-Jacques Annaud a consa­cré à ce plan­ti­grade en 1988. Mais des des­sins sans une trame, sans une his­toire, ne suf­fisent pas à un auteur de bandes des­si­nées.
C’est dans les Vosges avec la légende de sainte Richarde, avec le conte rela­tif à Jean de l’Ours que se pro­duit le déclic qui va don­ner nais­sance au pré­sent album.

Jean de l’Ours est une créa­ture légen­daire née d’une femme et d’un ours. Cette légende est par­ti­cu­liè­re­ment popu­laire dans les régions pyré­néennes où le plan­ti­grade a sub­sisté long­temps.
Sainte Richarde est tou­jours repré­sen­tée en com­pa­gnie d’un ours et son abbaye aurait tou­jours été ouverte aux ours et à leurs mon­treurs. Or, his­to­ri­que­ment le bâti­ment avait été construit sept ans avant sa répudiation.

Mais lais­sons par­ler les his­toires qui sont sou­vent plus belles que la réa­lité. Et Jean-Claude Ser­vais sait, à mer­veille, les conter et les mettre en images.
Il ima­gine donc un gar­çon né de l’union d’une jeune femme et d’un ours. Il décrit les évé­ne­ments qui ont pré­cédé sa nais­sance et ce qu’il est advenu par la suite.
Le gra­phisme reste tou­jours aussi beau que ce soit les pay­sages des Ardennes belges ou ceux des val­lées vos­giennes. Il donne des per­son­nages réa­listes et ne se prive pas d’assouvir ses envies en pro­po­sant des ours dans toutes les postures.

Une fois encore, Jean-Claude Ser­vais enchante par son art de mettre en musique des légendes rurales et des faits his­to­riques. Avec cet album, il livre un éclai­rage pas­sion­nant sur cet ani­mal qui a sus­cité tant de récits, paré par des reli­gieux d’une répu­ta­tion diabolique.

voir le des­si­na­teur  à l’oeuvre

serge per­raud

Jean-Claude Ser­vais, Le fils de l’ours, Dupuis, coll. “Aire Libre”, octobre 2020, 72 p. – 17,50 €.

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