Cette nouvelle aventure du quatuor formé de Fourmille Gratule, Yuri Podrov, de Grace Lumumba et de Sigisbert le gardien de leur équilibre thaumique, se passe en Côte d’Ivoire, à Abidjan et dans une jungle où les héros vont faire des rencontres tant dangereuses que savoureuses.
Cette fois, les héros sont sur les traces d’une plante qui fait des ravages dans la population principale du Monde-Miroir pour la recherche d’un contrepoison.
C’est étonnant ce que l’on peut trouver comme situations similaires à celle vécue actuellement par la population mondiale. Ainsi, une épidémie venue d’Afrique décime une catégorie de Preshauns dont le chef hurle qu’on cherche à éliminer son obédience.
On se rapproche d’un gros faux-blond qui vocifère qu’une nation, dont on est droit de douter de sa transparence, a balancé ce virus pour empêcher son élection. L’album est paru en novembre 2019 !
Au Korokara café, le lieu chic d’Abidjan, Niélé Balaka, une griot, raconte l’histoire de Fondâme le Preshaun. Il a perdu tous ses poils quand il a goûté la plante-qui-pue-des-pieds. Honteux, il disparaît, trouve un remède mais ne revient que quelques années plus tard pensant son malheur oublié. Croisant sur sa route un garçon qu’il trouve trop jeune pour ce qu’il fait, celui-ci lui répond qu’il est grand, qu’il est né l’année où Fondâme a perdu tous ses poils. Personne n’a jamais revu le Preshaun.
À la fin de son récit Niélé refuse toutes les invitations et s’en va. Quelques semaines plus tard une véritable épidémie dépoile des Preshauns dans le monde. Ils meurent de honte.
À Rome, la pontife Emily reçoit, en compagnie de Fourmille, son héritière, le chef des Preshauns authentistes car le fléau touche très majoritairement les membres de cette obédience. Il accuse, menace de faire sécession. Emily charge Fourmille d’aller enquêter à Abidjan qui semble est le point de départ de l’épidémie.
Alors qu’ils sont en route, Fourmille ne reconnait plus personne. C’est la personnalité de Niélé qui l’habite…
On retrouve ce qui fait l’intérêt des scénarios de Christophe Arleston, le choix de patronymes improbables, de l’humour comme s’il en pleuvait, un regard affûté sur les travers de la société occidentale. Il intègre des personnages de la culture populaire avec, par exemple, un Lord Greyzan qui s’inspire d’un autre Lord appelé le Singe blanc. On trouve également Konan.
Le scénario déborde de trouvailles. Les transformations de Fourmille donnent toujours lieu à des interrogations. Grace suggère de rédiger une fiche explicative qu’elle devrait toujours garder sur elle. Mais sous couvert d’humour, il fait état de réalité expliquant que la médecine à toujours commencé par les plantes et qu’on en revient à elles pour faire des cachets qui soulagent le foie chargé des Bordelais, les artères beurrées des Bretons.
Le dessin est assuré depuis le premier tome, paru en 2013, par Alessandro Barbucci qui réalise de belles prouesses graphiques en mettant en scènes des aventures débridées avec des traits à la fois délicats et dynamiques. Si les personnages restent toujours bien identifiables, il offre des décors magnifiques, des vues superbes tant urbaines que rurales.
La mise en couleurs signé par Nolwenn Lebreton n’est pas en retrait pour offrir des planches très agréables à découvrir.
Un album qui se lit avec beaucoup de plaisir, une belle comédie où il faut traquer les nombreux détails toujours très étonnants.
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serge perraud
Christophe Arleston (scénario), Alessandro Barbucci (dessin) & Nolwenn Lebreton (Couleur), Ekhö monde-miroir : T.09 — Abidjan-Nairobi Express, Soleil, coll. “Fantastique”, novembre 2019, 48 p. – 14, 50 €.