Jacques Josse est un prestidigitateur d’un genre particulier : il jongle avec le temps et les personnages : l’abbé botaniste Jean-Antoine Costantin, curé d’Aurel dans les années 1780 grimpe des cols avec le regretté Ton Simpson première victime officielle (ou presque) des adjuvants illicites sur le Tour de France (qu’il ne finira — et pour cause — jamais).
Et c’est ainsi que - sous le maillot noir et blanc à carreaux des “Cycle Peugeot” — se clôt ce livre rare et fort sur la mort. Elle n’est jamais évoquée avec délices et orgues, “elle longe les murs à l’improviste en se mettant à miauler pour ne pas inquiéter les éventuels promeneurs”.
Tel est donc le mode de fonctionnement discret et affûté d’un livre qui, pour autant, ne survole pas le sujet même si son objet plane toujours.
Néanmoins, Josse joue les flâneurs de deux rives (de l’Achéron) quitte à traverser le fleuve en bateau-mouche tsé-sté pour plus du piquant.
Mais quoi de mieux pour la camarde camarade que de nous draguer via l’automobile ? L’auteur nous donne quelques exemples : Marc Bolan, Roland Brates, Hugo Koblet furent parmi ses victimes.
Et ce n’est pas seulement le lion Peugeot qui offrait à la faucheuse bon nombre de clients potentiels. Les marques étrangères ne sont pas oubliées.
Pour autant, ce livre macabre a priori se dévore avec appétit. Et ce n’est pas seulement parce qu’il est saignant. Il y aurait pourtant de quoi transformer l’opus en eau de boudin. Mais Scanreigh a soin de l’enluminer d’or sur noir et Josse à l’art de mettre en selle ce qui n’en manque pas, même à la place du Maure.
Si bien que, sans partager un amour inconditionnel pour celle qui apprécie les départs incognito, nous faisons comme et grâce à Josse contre infortune bon coeur.
En espérant que ce dernier tienne encore un peu.
jean-paul gavard-perret
Jacques Josse, Au bout de la route, gravure de Scanreigh, Le Réalgar, 2020, 38 p. — 8,00 €.