Jardin poétique aux fleurs d’apocalypse
Les poèmes en prose de Robert Nedelec sont d’étranges mises en scène de ce que le regard et la mémoire des autres poètes ignorent. Les vignettes sont pourtant “évidentes” dans leur propos mais généralement le regard se porte ailleurs.
Il faut donc se laisser diriger par l’auteur à l’image de celle qui dans le texte “Réouverture provisoire” engage à ressortir — en un effet de rattrapage de nos coffres ou oripeaux — ce qui permet de ressusciter des morts.
De fait, Nedelec est tout sauf un économe. Et il apprend par son écriture et ses propos à rouvrir les yeux là où le texte échappe au papier glacé et aux règles édictées par les maîtres des octrois poétiques. A savoir les seigneurs qui obligent le poète quidam à parler dans l’hygiaphone là où son écoute est pour le moins dubitative.
Qu’importe à Nédelec : il ose brasser sa poussière de phrases qui a priori n’ont rien à voir avec la vague géante où les ego-albatros plongent en leurs costumes emplumés.
Ici, parmi les trembles et le vent, on se promène, là où tout n’est pas transparent et l’air pas forcément sain.
C’est avec l’amour des lignes courbes, des chemins de traverse et des impasses que Nedelec se promène en divers temps et divers véhicules — à moteur ou non — qui tintinnabulent ou grincent.
Mais l’auteur transforme ces textes en espaces singuliers d’un bien étrange jardin. Il est plein de surprises mais n’est pas créé pour le tourisme de masse. Dans chaque carré ( il ne fait jamais plus d’une page — sauf le dernier) croissent bien des fleurs de l’apocalypse.
Elles enflent, se craquellent mais ne se fanent pas. Elles n’ont pourtant rien d’artificiel et n’expirent jamais même lorsque l’ombre dérobe la clarté en de tels “récits” d’actions, réflexions et visions.
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jean-paul gavard-perret
Robert Nédélec, La mémoire des trembles, Editions Petra, 2020, 118 p.- 12,00 €.