Perrine Le Querrec, La bête, son corps de forêt

L’enchan­teuse et le label de la bête

Le livre de Per­rine Le Quer­rec est fas­ci­nant. Il est ouver­te­ment éro­tique. Mais les offen­sives des sexes n’ont rien d’obscène au sein d’une forêt moins des songes que de véri­tés d’incorporation.
L’auteure n’y va pas pas quatre che­mins : “Le grand sau­vage le grand inconnu / De notre folie sau­vage” avance avec vélo­cité et élan dans une che­vau­chée fan­tas­tique là où “Des bêtes amou­reuses /Surgissent des bois”.

Les corps des amants sont là, ils agissent :  mais existent bien des méta­mor­phoses : “Fou­gères nous chan­geons de sexe” là où selon la conteuse “L’araignée tisse ses lignes”.  Tou­te­fois, il n’existe pas de doute : la femme est là ardente, dési­rante.
Néan­moins, si bête il y a, celle-ci n’est ni femelle, ni chienne. D’autant que l’amoureuse n’a pas besoin d’attiser des fan­tasmes pour exci­ter son par­te­naire : “Dans le creux de ma main tu t’excites / m’excites et m’inspires / Tout tangue”. Et que la fête commence.

Pour autant, l’évocation de l’amour et de l’éros se décale par le côté buco­lique. Les corps vont l’amble en avan­çant dans cette forêt strip-teaseuse : au pas­sage des amants, les branches de ses arbres les dénudent.
Et ils ont mieux à faire que de se rha­biller. “Nu contre nue” et d’une cer­taine manière ” Exhi­bi­tion­nistes”, tout est en place : “Ton sexe s’enfonce dans ma terre / Applau­dissent les élytres / Mon sillon lar­ge­ment ouvert je décolle / De la hau­teur de la paume de ta main”.

L’amour devient aussi ter­restre que céleste. Il se pra­tique à ciel ouvert pour que des mil­liers de lec­teurs puissent lire cette his­toire — ou ce grand débat — au sein de la clai­rière d’un tel bois.
“Grimpe-moi / Ton corps d’étoiles / épaules bleues de ciel der­rière ton dos mon­tagnes oiseaux / La forêt passe entre mes jambes / l’épi de ton sexe / tes yeux sca­ra­bées /roulent sur moi les crêtes de ta hanche”. Bref, tout est là.

L’éros se déchaîne mais sans hys­té­rie. La puis­sance des sens est à l’unisson de la nature au sein de ce qui tient d’une méta­mor­phoses des don­nées habi­tuelles de l’érotisme. La forêt par­ti­cipe à son élar­gis­se­ment.
Si bien que le plus cru prend une figure para­doxale que syn­thé­tise en pré­am­bule l’incipit d’Anne-Marie Albiach : “C’est encore le contact qui abs­trait / Le char­nel de la terre”.

Et c’est cette voie royale que choi­sit l’auteure afin d’exprimer l’amour dans tous ses états et ses ébats au sein d’un tel trans­port libi­di­nal et d’une équi­pée sauvage.

jean-paul gavard-perret

Per­rine Le Quer­rec, La bête, son corps de forêt, Edi­tions Les Inaper­çus, Nantes, 2020 — 48 p.

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Filed under Chapeau bas, Erotisme, Poésie

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