Celui qui, enfant, écrivait à son chien: entretien avec le galeriste Jean-Marie Oger

Jean-Marie Oger défend un ensemble d’artistes émer­gents et confir­més de la scène artis­tique euro­péenne. Engagé dans un pro­ces­sus d’accompagnement et de sou­tien auprès de ces artistes, le gale­riste illustre plus spé­ci­fi­que­ment la pein­ture figu­ra­tive contem­po­raine.
Il a adopté le modèle d’une gale­rie en chambre. Mais aussi il orga­nise des expo­si­tions dans des espaces éphé­mères et  par­ti­cipe aux foires d’art contem­po­rain. En-dehors de ces évé­ne­ments, les œuvres sont visibles sur rendez-vous. Cela donne un sta­tut impor­tant à ses artistes  et à sa façon de les défendre.
Ils béné­fi­cient d’une atten­tion par­ti­cu­lière : que ce soit Angé­lique — dont la pré­sen­ta­tion du superbe tra­vail est pro­vi­soi­re­ment reporté pour cause de Corona Virus -, Fran­cine Van Hove, Demiak ou Michael Bastow.

 

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
C’est variable selon les jours.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Ils se sont trans­for­més en d’autres rêves.

A quoi avez-vous renoncé ?
Au célibat.

D’où venez-vous ?
Un petit vil­lage dans la cam­pagne bre­tonne, près de Dinan.

Qu’avez-vous reçu en “dot” ?
Je pense avoir reçu une cer­taine idée de l’éthique dans le travail.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
La ciga­rette, tout simplement.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres gale­ristes ?
Les gale­ries cherchent à se dis­tin­guer par l’affirmation de leur iden­tité. Mon goût me porte plu­tôt vers la pein­ture et la figu­ra­tion contem­po­raine. Contrai­re­ment aux gale­ries tra­di­tion­nelles, je n’ai pas d’espace d’exposition per­ma­nent, ayant opté pour un fonc­tion­ne­ment nomade ; un modèle qui répond à une néces­sité éco­no­mique et aux nou­veaux usages numé­riques des ama­teurs d’art. Le tra­vail de gale­riste reste le même (expo­si­tions, foires, etc.) sauf que les œuvres sont visibles sur rendez-vous uniquement.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
C’est un auto­por­trait de Léon Spilliaert, uti­lisé comme cou­ver­ture d’un roman de Dostoïevski.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Les Fleurs du mal de Bau­de­laire n’est pas ma pre­mière lec­ture ;  mais c’est celle qui m’a donné le goût de lire à l’adolescence.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Essen­tiel­le­ment du rock, sous toutes ses formes : Neil Young, Bowie, Joy Divi­sion, Pixies, Stone Roses, Alice in Chains, Nick Cave, Pulp, Radio­head et plein d’autres groupes… En ce moment, j’écoute beau­coup Low, un groupe fondé par un couple de Mor­mons qui pro­duit une musique basée sur un rythme ultra lent et de sublimes har­mo­nies vocales.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y a sur­tout un livre que j’ai envie de relire, avec l’espoir fou qu’il ne res­te­rait pas inachevé cette fois-ci, comme par magie : “Les confes­sions du che­va­lier d’industrie Félix Krull” de Tho­mas Mann.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Ala­bama Mon­roe” !  L’histoire d’amour entre Didier et Elise, sur fond de musique blue­grass, est bouleversante.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je me vois en train de me regarder.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Je n’en ai pas le sou­ve­nir. Enfant, j’écrivais même à mon chien.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Je dirais Flo­rence et, par exten­sion, l’Italie en géné­ral. On a l’impression que le temps n’a pas eu de prise sur ces lieux. Cela per­met d’y décou­vrir des œuvres archi­tec­tu­rales et artis­tiques de toute beauté dans des condi­tions exceptionnelles.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Il y a d’abord tous les artistes avec qui je tra­vaille. Et je me sens proche ou plu­tôt je suis attiré par des artistes comme Le Cara­vage, Spilliaert, Ensor, Magritte, O’Keeffe, Man Ray, Hop­per, Bacon, Tan­sey, Monory, Bar­celó, Wåhl­strand ou par des écri­vains comme Bau­de­laire, Flau­bert, Wilde, Tho­mas Mann, Céline, Genet, Ell­roy. Sur­tout des clas­siques, en fait.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
J’ai la chance de rece­voir à chaque fois un mes­sage des gens que j’aime.

Que défendez-vous ?
Rien de par­ti­cu­lier. J’estime beau­coup les per­sonnes qui agissent concrè­te­ment — à la place d’un Etat défaillant — pour aider les plus fra­giles ou les plus dému­nis. Mais je ne défends rien de par­ti­cu­lier, j’ai une grande méfiance envers tous ceux qui ont des cer­ti­tudes ou veulent nous impo­ser leurs sys­tèmes de pen­sées, quels qu’ils soient.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Je serais curieux de savoir ce que sa femme en pensait…

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
C’est un alexan­drin avec asso­nance en –è.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Aucune. Dans le cas contraire, ce sera pour la pro­chaine interview.

Entre­tien et pré­sen­ta­tions réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 28 avril 2020.

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