Cette “conversation sur le montage” permet de revenir sur le travail du travail cinématographique depuis plus de 50 ans de Yann Dedet. En 1967, il obtient son premier travail de monteur, en tant qu’assistant de Claudine Bouché, sur le film “La Mariée était en noir”.
La rencontre avec Truffaut est décisive. Dedet sera le monteur notamment de “Les Deux Anglaises et le Continent”, “Une belle fille comme moi” , La Nuit américaine”, “L’Argent de poche” puis il va travailler entre autres pour “Je sais rien, mais je dirai tout” de Pierre Richard, “Sweet Movie” de Dušan Makavejev, “Passe montagne” de Jean-François Stévenin, “Neige” de Juliet Berto, “Loulou”, “À nos amours”, “Police”, “Van Gogh de Maurice Pialat, “Nénette et Boni” de Claire Denis, “Roberto Succo” de Cédric Kahn, “La Frontière de l’aube” et “La jalousue” de Philippe Garrel.
Dans Le point de vue du lapin — le Roman de “Passe Montagne” (chez le même éditeur), il disait de quoi et comment fut composé son livre et il était notamment question de Passe Montagne, le film de Jean-François Stévenin, de l’écriture, tournage et montage du film.
Mais, dans ce nouveau livre, il précise plus à fond les liens entre cinéastes et monteurs et de quelle manière s’établit et se répartit concrètement le travail entre eux. Se comprend comment se créent les différentes strates d’écriture qui se cristallisent au montage et pourquoi certains cinéastes et monteurs décident de poursuivre ou non leur collaboration.
Nous sommes ici les mains dans le cambouis d’un tel travail. Le livre (et ses illustrations) devient un document indispensable à qui veut comprendre ce que le montage engage. En faisant retour sur son parcours, Dedet propose une réflexion originale sur le 7ème art.
Mais se découvrent aussi des visions méconnues des grands cinéastes français. L’auteur remet par exemple les montres à l’heure autant sur le “puritanisme” de Truffaut, la “cruauté” de Pialat que la “modernité” de Garrel.
Bref, l’essai propose une réflexion sur une question souvent peu abordée et selon des angles aussi impertinents que passionnants. La théorie du langage filmique s’en trouve révisée dans l’hypothèse d’un lien presque organique entre le réalisateur et un monteur.
Sans cette articulation harmonieuse (ce qui n’exclut pas les conflits), tout dans un film bascule.
jean-paul gavard-perret
Yann Dedet, Le Spectateur zéro (entretien avec Julien Suaudeau), P.O.L editeur, Paris, 2020.