Symbioses d’Ecritures
La recherche plastique et graphique de Jean-Marc Scanreigh est fascinante. Le jeu des couleurs et des lignes est démultiplié sous divers avatars. L’artiste crée des déplacements que soulignent judicieusement Armand Dupuy et Sylvain Cavaillès là où l’oeuvre propose différents appels à des prières sauvages.
Aux rituels de certitude font place l’égarement et la transgression. L’art n’est pourtant plus l’idole d’une religion inconnue. Il n’est que le symbole du désir insatiable avec ses marges d’incertitudes que les dessins “quadrillent” dans leur aspect baroque jouissif.
Le plaisir que nous prenons à la contemplation de l’œuvre tient en grande partie à notre capacité à fantasmer à partir des fabulations graphiques du créateur. Taches et formes, couleurs et pans font entrer en nous l inconscient de l’artiste qui se met en symbiose avec le nôtre. Nous parcourons les chemins d’une Passion qui n’a rien de christique.
L’oeuvre de Scanreigh permet ainsi un fantastique voyage d’exploration autour d’un univers intime toujours côtoyé mais où le “moi” n’est jamais confiné.
L’artiste rappelle que la transgression reste la belle incertitude de la peinture .“Perds toi toi-même, possède-toi toi-même” semble dire l’oeuvre dont les interventions séquentielles mettent le « doigt » sur l’essentiel : le manque qui anime tout image. Mais celles de Scanreigh le comblent dans des scenari magiques.
L’oeuvre accouche de monstres enjoués (le plus souvent) mais parfois dévoreurs. L’artiste crée une série de contre-corps dans laquelle le regardeur se laisse emporter. Il n’est pas jusqu’au « nocturne sexuel » cher à Quignard de trouver des postures picturales en émulsions.
Souvent et par ailleurs, faisant quitter aux écritures le lieu central dont chaque auteur croit être le Prince, Scanreigh propose des dérives vers des faubourgs les plus éloignés du rationnel. Il nous permet de rentrer là où “ être chair ” ne reste pas une vue de l’esprit. Néanmoins, pour se rincer l’oeil il faut ici une attention soutenue. Une telle oeuvre la mérite. Et c’est peu dire.
Nous entrons dans des paysages où le plaisir, la jouissance, la vie, la peinture, la littérature se conjoignent en un étrange composite que la succession des oeuvres dévoile.
Scanreigh rappelle qu’il existe donc dans toute image une dispersion fictionnelle de l’écrire par l’émulsion plastique, la variation chromatique et un recommencement de « lignes » qui, soudain, ne sont plus des conduites forcées.
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jean-paul gavard-perret
Jean-Marc Scanreigh,
- Frontière Noire (avec Sylvain Cavaillès), Editions Mémoire Active, 2020 — 15,00 €.
- L’avaleur avalé (avec Armand Dupuy), Editions Le Réalgar, 2020 — 14,00 €.
- Petites pièces en sous-sol, Librairie Pierre Barvo Gala, Paris, exposition du 14 au 24 mai 2020.