Dans ce récit — comme dans les deux autres qu’il publia chez le même éditeur (Aux pieds d’Omphale Dans le secret) — l’auteur revient à ses sulfureuses marottes érotico-mystiques. Ici, dans une « abbaye » de nouvelle Thélème où les « offrants » masculins acceptent avec joie le gouvernement des femmes.
Dans ce renversement des valeurs, la mise à nu de l’âme passe par d’autres détours. Si bien que — dans ce qui tient du conte initiatique et du traité de philosophie mystique — la soif des douceurs dessine des soleils noirs là où l’envie change de gouvernail et de gouvernance. La conque fait le lit de l’absolu. Et si les cheveux des dames, dans leurs jeux, ne dansent par forcément, soudain en de paradoxales parades, processions, bacchanales aux banquets des silènes des coeurs bourgeonnent.Et pas qu’eux.
On se croit parfois dans Eyes Wide Shut de Kubrick ou dans les récits de Leonara Carrington ou encore dans des images de Paul Delvaux. Des inconnues masquées répondent sommairement au narrateur qui, par “piété”, devient le dindon d’une farce où il voudrait savourer certains croupions ou monts de Vénus.
Certes, il feint un certain ascétisme. Mais celui-ci vaut ce que valent ceux des Saintes qui se consument en Christ plutôt qu’en son père. Fasciné par le froissement des robes de abbesses, le narrateur un rien masochiste glisse vers elles pour qu’elles le libèrent de ses entraves psychiques par un travail mental dont les sens sont l’essence.
Car il ne faut pas être dupe de tels labyrinthes. Ce dont le narrateur rêve en son âme, c’est d’une sauvageonne animale au parfum océan qui le retiendrait à sa rose perlée de rosée.
D’autant qu’à y regarder de près, chaque murmurante est prête à en distiller afin que les accords soient moins impénétrables que parfaits.
jean-paul gavard-perret
Henri Raynal, L’accord, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2009, 160 p. - 20,00 €.