“Haiemer” ce que nous sommes
La série en exposition virtuelle — vu les conditions actuelles — de Jean-Claude Bélégou a été générée par un double constat. L’un tient aux réalités du moment, l’autre à ce que la toile nous réserve en ces instants.
Le photographe — sachant que la lumière et les couleurs d’avril qui rendent les buissons ardents sont différentes que ce qu’elles seront en mai — a tenté de marcher dans les forêts, sur les berges des rivières et la mer, bref de “poursuivre mes Chimères. Photographier au-dehors” avant d’être rejoint par une autre marée. Celle qui est chaussée.
Devant ces gens d’armes (“qui sont par nature si ballots” chantait Brassens en des temps meilleurs), ” inutile de déplier des raisons et d’expliquer que la première lumière d’avril est “plus froide, plus translucide, que la semaine où les bourgeons débourrent” puisque ce n’est pas là une activité indispensable à la nation.
Rentré, Bélégou a — faute de mieux — voyagé sur le Net. Il a compris que la toile est devenue l’immense cathédrale des bien-pensants : “ça vous dit ce que vous devez penser, ce que vous devez craindre, ce que vous devez aimer et haïr, qui vous devez dénoncer, quels sont les bons et quels les méchants, ce que vous ferez et serez demain” écrit le photographe.
Et face à cette faconde calamiteuse il a décidé via son site de mettre un peu de ciel bleu dans de telles doxas toxiques nuageuses et embrumées.
Il nous propose ainsi juste quelques arbres de son presbytère devenu lieu des plus laïques. Il y a la sa haie, sa clôture, son monde intérieur. Les arbres fleurissent et le poète en offre des images, fragiles. Cela paraît simple mais ce ne l’est pas.
Car il faut un regard pour nous enchanter par ce qui a priori n’aurait pas besoin d’un médiateur. Mais Bélégou n’est pas n’importe lequel et ce qu’il offre nous réconcilie avec la beauté et nous éloigne de bien des donneurs d’ordre — qu’ils soient en uniforme ou cachés lâchement sous pseudo pour nous promettre le paradis ou l’enfer.
jean-paul gavard-perret
Jean-Claude Bélégou, La haie, 2020.
JPGP poétise ” La Haie ” que Bélégou photographie à son bon goût . Les deux artistes offrent un paradis sans pseudos ni ballots .