L’Histoire regorge de souverains, de chefs d’États plus ou moins extravagants, plus ou moins débiles, plus ou moins déments, plus ou moins détraqués. Cette race perdure encore aujourd’hui, il suffit de suivre l’actualité pour s’en convaincre. Mais, avec Les Trois Julia, les auteurs présentent le top du top, un empereur romain particulièrement remarquable dans le genre.En 217, Lucius Septimius Bassianus, connu sous son nom d’empereur romain comme Caracalla, est assassiné par le préfet Macrin qui s’empare du pouvoir. Julia Domna, la mère de Caracalla se suicide. Sa sœur, Julia Maesa est exilée à Émèse où elle retrouve ses deux filles, Julia Soaemias et Julia Mamaea.
Il n’y a plus de lignée. Julia Maesa en invente une en portant son choix sur son jeune neveu, le fils de Julia Soaemias, Sextus Avitus Bassianus dit Héliogabale. Elle le présente comme le fils illégitime de Caracalla soutenant ses affirmations à grands renforts de distributions d’or.
Ce second tome débute par des rappels quand, à Émèse, Julia Soaemias, enfant, converse avec la Pierre noire, quand, jeune fille, elle fait montre d’une belle santé sexuelle, quand elle consacre son futur enfant à son dieu, incapable de savoir qui est le père, quand sa mère lui impose de présenter son garçon comme le fils illégitime de Caracalla.
Arrivé à Rome le jeune empereur est acclamé. Il a été proclamé Haut Prêtre du culte du dieu solaire. Ce météorite noir, il veut l’imposer comme unique religion à Rome, faire bâtir un énorme temple. Il donne à sa grand-mère, Julia Maesa, qui a déjà fréquenté le Sénat, les pleins pouvoirs et toute autorité sur l’administration de l’Empire. Quant à lui, il se livre à des fêtes, des bacchanales jusqu’au moment où…
Héliogabale ne s’intéresse qu’à la religion dont il est le grand prêtre autoproclamé et à une sexualité chaotique entre homosexualité et androgynie. Aimant s’habiller en femme, se maquiller, des historiens n’ont pas hésité à le présenter comme la première drag-queen de l’Histoire. Il fréquente les bas-fonds, tombe amoureux d’un conducteur de char qui le traite comme les femmes étaient traitées communément. Son cocher le frappe et Héliogabale aime exhiber les marques des coups.
Le scénariste détaille ses frasques, ses caprices fort coûteux tels des banquets somptueux, des jeux grandioses… On impose à Héliogabale d’épouser une vestale, une prêtresse dont la virginité est sacrée mais il semble qu’il ait été incapable de consommer ce mariage. (Que cette expression est machiste !) Pendant ce temps, deux Julia, Maesa et Soaemias exercent le pouvoir. Une troisième va se révéler dans le tome à venir.
Le dessin est l’œuvre d’Antonio Sarchione. Celui-ci signe une mise en images réaliste, donnant des galeries de personnages de toute beauté. Il excelle à représenter l’anatomie féminine et le scénario lui permet de s’y livrer sans freins. Sa mise en page, classique pour certaines planches, s’affranchit du cadre pour des plans d’ensemble détaillés de belle facture. Il soigne les décors que la mise en couleurs de Gaétan Georges révèle.
Séduit par le premier opus qui braque le projecteur sur un trio de femmes déterminées, ce volume conforte cette bonne opinion.
serge perraud
Luca Blengino (scénario), Antonio Sarchione (dessin) & Gaétan Georges (couleur), Les Reines de sang — Les Trois Julia : T.02 — La Princesse du soleil invincible, Delcourt, coll. “Histoire & Histoires”, mars 2020, 56 p. – 14,95 €.