Le travail de Scanreigh est fascinant. Ses peintures et graphismes deviennent ce qui serpente dans la mémoire pour la segmenter afin que les Mélusine s’y immiscent en vibrations de formes et de couleurs. Certes, nous savons que leur abri n’est que précaire : il n’empêche. Mais ce travail devient aussi parfois la voix qui parle — en les imageant — les mots des poètes jusqu’à ce qu’ils frôlent le sexe de l’air.
Un autre jour se lève dans chaque tableau. La chute n’y est jamais une nécessité ou même une possibilité. Dessins et couleurs détruisent les descriptions objectives : les uns et les autres ne forment plus seulement des images de quelque chose mais des effluves que le réel recèle à qui sait le montrer en le transfigurant.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Horloge interne réglée sur « très tôt »
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je n’arrive pas à être concerné par mon enfance qui me semble avoir été heureuse et peu rêveuse.
A quoi avez-vous renoncé ?
A donner des leçons.
D’où venez-vous ?
C’est où je vais qui m’intéresse.
Qu’avez-vous reçu en “dot” ?
Une absence de pression.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Café et vie privée.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres “graffiteurs” (même si bien sûr votre travail ne se limite pas à cette dimension) ?
Je graffite en chambre avec panorama extérieur sur l’art des autres.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Une mosquée avec un croissant de lune surmonté de sphères.
Et votre première lecture ?
“Les trois lionceaux” en 1954 ou 1955.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Sur YouTube : rock, contemporain tonal, classique.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Peintres et Vilains » de Maurice Pianzola.
Quel film vous fait pleurer ?
Je n’aime pas vraiment le cinéma.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi vieillir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai écrit à tout le monde et reçu presque toujours des réponses.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Strasbourg.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Le Jasper Johns tardif mâtiné de lettres ornementées de Chaissac.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Du bon vin.
Que défendez-vous ?
Le doute.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Ni Lacan ni psychanalyse !
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
Je déteste tout ce qui ressemble à des aphorismes.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
La prochaine.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 21 avril 2020.