“L’être en train d’être”
Cette petite citation, que je livre en guise de titre à ce texte consacré à ce que je considère comme tenir de l’étantité, cette formule, je l’ai imaginée il y a un certain temps pour des étudiants de sémiotique de l’Université de Limoges. Dire cela ne leur a pas peut-être suffi à restituer l’ensemble complexe, de ce que les Allemands nomment le Dasein.
image ci-dessus : Lana Wachowski & Lilly Wachowski, Matrix, 1999.
Pour ma part, j’utilise aussi une expression plus littéraire, et j’aime dire : l’étantité. À mes yeux, ce feuilletage de l’étantité cherche à circonvenir l’état d’être, d’un être qui se saisit comme être par une espèce de presque-rien de soi. Cette entité trouve sa description difficile, aléatoire, et pareillement directe, saisie dans son ensemble par un seul moment sublime, un seul éclat, une lumière soudainement vive : l’être comme une tautologie descriptive.
Je m’aperçois en écrivant ces mots que retenir cette description sommaire et qui revient sur elle-même, nécessite un mouvement, un vecteur, comme dans Parménide où le « je suis je » oblige à en passer par le verbe être pour reconduire le je à lui-même, donc avec un mouvement, une translation. Je me servirai de l’image du morceau de sucre, cher à Bergson, à partir de quoi le philosophe analyse les qualités du temps. L’être ressemble à ce sucre qui fond dans la tasse d’infusion, en une durée qui n’existe qu’en se diluant.
Exister, être, l’étantité, fonctionnent de cette manière. Quand l’on perçoit sa propre nature d’étant à l’instar de la flèche qui rejoint une cible, dont seul le mouvement lui restitue sa qualité, et où l’être pourrait se tenir justement en ce schéma du mouvement de la flèche, en une quête de soi prise, comprise comme cible.
On fabrique de l’être pour que l’être se définisse comme être propre. On est être parce que l’on est sans cesse en train de devenir, et que devenir ici autorise l’être, le justifie comme recherche de lui-même, se déroulant sur une sorte de ruban de möbius. D’ailleurs, exister s’adresse autant à la psychanalyse qu’à la médecine, à la philosophie autant qu’à la biologie, à l’histoire autant qu’à la physique.
Toute ressource nourrit cette tautologie. Car être reste fondamentalement un étant en soi. Trembler dans une étantité intuitive. En quelques mots : se rencontrer, se trouver, exister.
Didier Ayres