Chez Ch’Vavar chaque poème devient l’existence de ce qui tient d’un moment et de toujours par l’expérience de la langue, ses sonorités, ses images dans l’appel à une forme de révolte et de tension.
Le tout en trois temps : du paisible vers une forme de violence qui monte peu à peu. Et ce, depuis Le cul des vaches et sans ménagement au moment où le monde a déjà entamé un sacré pas vers sa dévastation.
Le poète se dit clown et pitre mais pour dire son fait à une civilisation guidée par le fric et son spectacle affligeant et sinistre où chacun est vache parmi les bovidés, “très occupée à Brouter. Elle écarte drôlement ses pattes de devant. Sa queue / Grossièrement bifide, n’est pas crédible. / Elle ne voit pas celui qui regarde le tableau, ni rien ; que le bout de son mufle, pro / Bablement. Elle est toute de profil, corps et tête, on ne lui voit / qu’un œil ; il est mi-clos, comme endormi. Elle n’a pas de pis. /Ni de couilles, du reste.”
La Picardie et ses villages déserts, comme souvent chez l’auteur, deviennent l’image du Monde. Celui que le Corona Virus et ses funérariums nous met devant le nez. Les poèmes avancent des paysages extérieurs à ceux plus intimes où bout le café. Le poète s’enferme après avoir contemplé l’image d’un monde désolé : « moi, Ivar, / J’étais là, j’ai pleuré la mort de ces arbres. »
Et désormais celle des déshérités premières victimes du mal que nous avons semé.
jean-paul gavard-perret
Ivar Ch’Vavar, La Vache d’entropie, éditions Lurlure, 2020, 136 p. — 1600 €.