Les mots pour “le” dire à un instant “t” ne servent à rien. Ils demeurent lettres mortes. D’où cette lettre au “disparu” enfin des radars. Avant, il ne voulait ou pouvait rien entendre et ce, au nom de la loi des pères aussi vieilles que la Bible.
Celle qui a vu sa vie dérobée par son géniteur exprime enfin sa révolte : « Papa, je pense que nous allons nous fâcher. J’ai soutenu ton regard jusqu’au dernier mot, je venais de dire ce que toujours j’avais su, ce que je pense que nous savions tous les deux. Nous allions nous fâcher. »
Et il lui aura fallu atteindre et attendre 30 ans pour exprimer avec ambivalence sa révolte, son amour, sa haine en legs de tout compte.
La douleur prend une expression directe, violente, cruelle. Néanmoins, l’auteure est parfois drôle pour évoquer les souvenirs d’une vie qu’elle refuse désormais. Exit la volonté paternelle de perfection fantasmée eu égard à sa fille. Elle a gardé longtemps le silence en guise de self-défense.
Mais est enfin arrivé un temps d’urgence : elle ne pouvait plus se contenir.
Il s’agit d’essayer d’enfin vivre pour et par soi. Loin de l’ombre. Une ombre où certaines femmes retrouveront ce qu’elles subirent et qui alimenta leurs frustrations.
L’aspect dénonciateur n’empêche en rien, dans l’arrachement, l’attachement émotionnel. Mais ce qui devait “sortir’ est enfin exprimé.
jean-paul gavard-perret
Laure Couraige, La fille du père, P.O.L éditeur, Paris, 2020, 144 p. - 17,00 €.