Une symbolique du dragon !
Le présent album a été publié en 2015 par la ville de Trutnov, en République tchèque. Le scénario s’inspire de chroniques relatives à la fondation de la cité au tournant du XIe siècle par le chevalier Albrecht.
Dans une région sauvage, deux hommes cheminent. Mikulas presse Pavel pour rentrer avant la nuit au prétexte que Messire les attend. Mais le second veut manger des truites qu’il a repérées. Alors qu’ils se remettent en route, Pavel voit une belle jeune fille jouant de la flûte. Il poursuit sa vision et Mikulas le rattrape de justesse avant qu’il ne chute d’une falaise. Au fond du gouffre ils voient un dragon furieux qui souffle sur eux un nuage de feu.
Albrecht veille dans la nuit, soucieux de la responsabilité que lui a confié le duc Ulrich, à Prague. Il doit trouver, pour la communauté qui le suit, une terre nouvelle, raser la forêt, bâtir une cité, donner du travail. Seul dans une tour, cette mission l’accable. Un homme entre, qui lui rappelle comment il a fait occire toute une troupe de brigands, décapiter son chef. Albrecht et son groupe se sont installés sur leur campement.
Pavel et Mikulas ne sont pas écoutés. Ils sont même moqués quand ils racontent leur rencontre avec le dragon. Mais, le lendemain Le chevalier veut se rendre compte et descend dans le gouffre. Il reçoit le souffle de la bête. Remonté en état de catatonie, il reste paralysé.
La communauté s’interroge. Que faut-il faire ? Faut-il s’enfuir, prévenir le duc à Prague ou, comme le propose Pavel, tuer le dragon et, pour cette action d’éclat, recevoir des récompenses, devenir à l’instar des nobles ?
Alors que Pavel et des villageois mettent tout en œuvre pour tuer le monstre, arrive Anselme, un moine errant accompagnée d’Alba qu’il présente comme une orpheline qu’il a recueillie. Quand il prend connaissance de la situation…
Les deux scénaristes détaillent les quelques jours entre la découverte du dragon et sa mort. Ils proposent toute une gamme de réactions de la part des membres de la communauté. Ils décrivent tous les effets et toutes les conséquences de cette découverte, les actions, les peurs, les dissensions, les interrogations. C’est un groupe de pionniers, des artisans, des paysans avec femmes et enfants qui font face à un grand danger.
Le chevalier étant indisponible, les opinions des uns et des autres divergent. Certains veulent débarrasser la région du monstre pour établir une cité dans la paix et la prospérité, d’autres préfèrent quitter les lieux même si ceux-ci semblent fertiles et propices à une installation durable.
Le pouvoir vacant attire quelques prétendants. La venue d’un escroc en froc avec son blabla quant à un châtiment divin fait toujours recette quels que soient les lieux et les époques. Il se trouve toujours des oreilles attentives et craintives.
Les auteurs montrent comment s’installe la prise de pouvoir avec la complicité d’un villageois qui se découvre des ambitions.
Le dessin de Jiri Grus, en couleurs directes, est enthousiasmant avec sa volonté de restituer l’esprit de l’imagerie moyenâgeuse. Celui-ci retrouve la tonalité des fresques de cette époque tout en lui conférant un aspect plus moderne. Avec cet album, les auteurs invitent à revisiter un conte médiéval et de fantastique, les deux allants souvent de pair, qui se déroule dans la Bohème du début du XIe siècle. C’est une épopée riche en combats, en superstitions où l’âme chevaleresque côtoie la perfidie, où l’individuel s’oppose au collectif, une fable servie par un graphisme de toute beauté.
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serge perraud
Dzian Baban & Voijtech Masek (scénario), Jiri Grus (dessin et couleurs), Le dragon ne dort jamais (Drak nikdy nespi), traduit du tchèque par Benoît meunier, Casterman, mars 2020, 152 p. – 25, 00 €.