Un film et une réalisatrice remis à l’honneur par une édition DVD du studio Doriane Films
Les années soixante marquent une période extrêmement florissante du cinéma français. Le succès des films des principaux tenants de ce qu’on appelle déjà la “Nouvelle vague”, des Quatre cents coups de Truffaut en 1959 à À bout de souffle de Godard en 1960, poussent de nombreux jeunes talents derrière la caméra.
Parmi eux, Paula Delsol. Romancière avant d’être réalisatrice, la jeune femme livre son premier film en 1963, La Dérive. Totalement oubliés aujourd’hui le film et sa réalisatrice sont remis en lumière avec cette édition sur DVD proposée par Doriane Films.
Victime de son temps, le film, qui avait pourtant séduit Truffaut et l’équipe des Cahiers du cinéma, a choqué les censeurs et s’est retrouvé affublé d’une interdiction aux moins de 18 ans qui l’a privé de son public et relégué aux salles estampillées “coquines” de Pigalle. Pourtant l’œuvre n’a vraiment rien de pornographique.
La Dérive dresse le portrait d’une femme interprétée avec un naturel désarmant par Jacqueline Vandal. Femme d’un film, elle est de tous les plans. Son personnage, Jacquie, est une jeune fille rêveuse et un peu paumée qui, après avoir tout quitté pour suivre un jeune chanteur vagabond et une fois lâchement abandonnée par ce dernier, se jette à corps perdu dans les bras des différents hommes qui vont croiser son chemin dans l’espoir mi-romantique mi-désabusé de s’extraire de sa classe et d’échapper à une famille qu’elle méprise.
Tourné dans les décors naturels du Languedoc-Roussillon, le film est le témoignage d’une époque où deux générations se heurtent, où une certaine jeunesse cherche à tout prix à échapper à la respectabilité médiocre de ses aînés. En cela, Jacquie, Emma Bovary moderne, est bel et bien de son temps. Fumant cigarette sur cigarette la jeune femme rayonnante embarrasse les censeurs qui ne sauront que faire de sa liberté. Acheté par les pays de l’ex-Union soviétique, le film verra d’ailleurs sa fin changée et son héroïne se jeter à la mer pour expier ses péchés. Or, l’errance de Jacquie n’a pas de fin, elle est constitutive de la personnalité de la jeune femme, héroïne qui est l’incarnation malheureuse et toujours déçue de l’égarement amoureux.
La Dérive, bercé par la très belle lumière de l’Hérault et une réalisation sans fausse note, est un petit film certes, mais un petit film qui ne laisse pas indifférent et qu’on a envie de réhabiliter.
La Dérive
Réalisation :
Paula Delsol
Distribution :
Pierre Barouh, Jean-François Calvé, Paulette Dubost, Jacqueline Vandal
Langues :
français sous-titres anglais
Bonus :
Entrez dans la danse — court métrage de Paula Delsol (1958)
Durée :
120 mn
eleonore dauzier
Paula Delsol, La Dérive — DVD format PAL zone 2 — Doriane Films, février 2007 — 25,00 €.