Concile de la diarrhée ou menace sur la ville
Quoique — très hypothétiquement — “navrantes”, écrit l’auteur, il faudrait “graver dans le béton” les phrases et les virées de ce livre. Et qu’importe si vivre dans “l’immonde cité” baudelairienne tient d’une dégénérescence.
Pour y survivre — et avant le confinement -, Christophe Esnault y déambulait de nuit en une sorte de double vie comme le précise son texte — sorte de Nadja d’un nouveau genre — là où “Les ravages d’un désir d’absolu scient les ombres démentes d’une ville surnuméraire”.
Toutefois, l’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin et peu à peu les textes s’échevèlent plus qu’il ne s’encastrent et ce, jusqu’au délicieux “bonus track” final où Esnault s’autoflagelle tout en disant leurs faits à ceux qu’il hait autant qu’il les aime : de l’éditeur au lecteur potentiels de ses billevesées (qui n’en sont pas).
L’iconoclaste verbal assure qu’il existe un certain plaisir non à être un écrivain raté (Esnault est le contraire) mais à être mis dans une situation peu enviable. Même si ‚écrit-il, “C’est un grand plaisir/ De ne pas être à sa place”.
Le tout dans un monde opaque où “Sans les salauds / Les salauds ordinaires”, personne n’aurait bonne conscience. Pas même eux.
Le livre permet de sourire. Mais pas que. Il devient l’arme presque absolue (le presque est important) de tenir face aux “déceptions consommées” lorsque nous sommes de la masse indistincte où se loge tout le monde. A chacun ses histoires et l’auteur dessine en zig-zag la sienne en faisant de son livre un cardio-boxe : son écriture permet de donner des coups de poings dans l’air mais toujours avec motricité.
Cette dérive est donc bien une histoire d’amour et de haine. Les deux sont sains lorsqu’ils n’ont rien de circonspect et qu’ils commencent par eux-mêmes. La violence peut même se pratiquer mais seulement quand “Tu seras certain de voir / Celui que tu as été ou / que tu es encore”.
Manière que les payeurs soient au besoin les miroirs conseilleurs.
Quant à l’auteur, soyons parmi les “happy (non) few” qu’il appelle pour son “Concile de la diarrhée”. Celle-ci n’a rien d’austère. Et permet d’attendre de ces baisers que l’amoureuse du “méchant homme” finit pas accepter.
Il faut qu’après l’esprit le corps éviscéré exulte. Un peu.
jean-paul gavard-perret
Christophe Esnault, Ville ou jouir et autres textes navrants, Editions Louise Bottu, Mugron, 2020, 164 p. — 14,00 € E.
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