Quelque chose a changé dans la vie de Sandrine. Elle est nue et se regarde dans le miroir sans se faire horreur. Certes, elle est grosse et possède nombre de défauts physiques. Elle est très attentive à ce qu’elle porte pour dissimuler ses disgrâces. Mais, avec lui… elle porte ce qu’il lui choisit même si elle considère que cela ne lui va absolument pas.
En descendant le rejoindre, elle le voit statufié devant la télévision où est évoqué un fait divers, une femme amnésique hospitalisée. « C’est elle. C’est elle. », dit-il et il sombre dans un profond silence.
Sandrine est effondrée car si la première femme revient, elle sera renvoyée, répudiée. Elle se remémore le chemin parcouru jusqu’à cet instant, les raisons de leur rencontre, son attachement à cet homme qui pleure, cet homme qui l’avait tant émue quand son épouse avait disparu le laissant seul avec le petit Mathias. Elle repense à sa vie d’avant dans la solitude la plus noire. Elle revient sur son installation chez lui, à petits pas. Mais, maintenant, elle a sa pièce à elle, celle de la première femme.
On ne peut guère aller plus loin dans le résumé des premières phases de l’histoire sans faire perdre l’intérêt du roman, la tension qui s’installe après les quelques pages de mise en place de l’intrigue.
Le sujet du livre n’est pas nouveau même si, aujourd’hui, il commence à être médiatisé, mieux connu, mieux compris, mieux dénoncé tout en mesurant qu’il reste beaucoup à faire pour… Louise Mey installe son lecteur dans le cerveau de Sandrine et ne lui permet plus d’en sortir. Tout passe par elle, ses sentiments, ses émotions, ses idées, ses impressions, ses ressentis, ses actions, ses joies comme ses peines, son bonheur comme ses angoisses, ses complexes, ses doutes, ses peurs quand elle est seule, quand la première femme revient…
Elle dresse un portrait poignant de cette dame au physique disgracieux, de ce qu’elle vit, de sa solitude, de son enfance gâchée, du bonheur d’avoir quelqu’un qui l’aime, qui ne la traite pas de grosse, de moche. C’est un portrait fouillé jusqu’à l’intime le plus profond, travaillé au scalpel avec psychologie. La romancière n’omet pas les détails, même les plus triviaux.
Et on ne lâche plus ce livre tant on s’attache au parcours de cette femme qui veut se battre pour rester, ne pas perdre sa place. Mais, à quel prix ? Louise Mey puise dans l’actualité des éléments réels qu’elle utilise dans la trame de son livre.
Pour certains détails, on ne peut s’empêcher de penser à des faits divers récents qui ont fait les choux gras de certains médias. Elle les traite, les intègre de façon que ceux-ci s’intègrent naturellement dans le cours du récit.
Un livre bouleversant, servi par une écriture incisive, qui fait comprendre les mécanismes, les façons de piéger et explicite les difficultés à s’en sortir.
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serge perraud
Louise Mey, La Deuxième femme, Éditions du Masque, janvier 2020, 336 p. – 20,00 €.