Louise Mey, La Deuxième femme

Glaçant !

Quelque chose a changé dans la vie de San­drine. Elle est nue et se regarde dans le miroir sans se faire hor­reur. Certes, elle est grosse et pos­sède nombre de défauts phy­siques. Elle est très atten­tive à ce qu’elle porte pour dis­si­mu­ler ses dis­grâces. Mais, avec lui… elle porte ce qu’il lui choi­sit même si elle consi­dère que cela ne lui va abso­lu­ment pas.
En des­cen­dant le rejoindre, elle le voit sta­tu­fié devant la télé­vi­sion où est évo­qué un fait divers, une femme amné­sique hos­pi­ta­li­sée. « C’est elle. C’est elle. », dit-il et il sombre dans un pro­fond silence.
San­drine est effon­drée car si la pre­mière femme revient, elle sera ren­voyée, répu­diée. Elle se remé­more le che­min par­couru jusqu’à cet ins­tant, les rai­sons de leur ren­contre, son atta­che­ment à cet homme qui pleure, cet homme qui l’avait tant émue quand son épouse avait dis­paru le lais­sant seul avec le petit Mathias. Elle repense à sa vie d’avant dans la soli­tude la plus noire. Elle revient sur son ins­tal­la­tion chez lui, à petits pas. Mais, main­te­nant, elle a sa pièce à elle, celle de la pre­mière femme.

On ne peut guère aller plus loin dans le résumé des pre­mières phases de l’histoire sans faire perdre l’intérêt du roman, la ten­sion qui s’installe après les quelques pages de mise en place de l’intrigue.

Le sujet du livre n’est pas nou­veau même si, aujourd’hui, il com­mence à être média­tisé, mieux connu, mieux com­pris, mieux dénoncé tout en mesu­rant qu’il reste beau­coup à faire pour… Louise Mey ins­talle son lec­teur dans le cer­veau de San­drine et ne lui per­met plus d’en sor­tir. Tout passe par elle, ses sen­ti­ments, ses émo­tions, ses idées, ses impres­sions, ses res­sen­tis, ses actions, ses joies comme ses peines, son bon­heur comme ses angoisses, ses com­plexes, ses doutes, ses peurs quand elle est seule, quand la pre­mière femme revient…
Elle dresse un por­trait poi­gnant de cette dame au phy­sique dis­gra­cieux, de ce qu’elle vit, de sa soli­tude, de son enfance gâchée, du bon­heur d’avoir quelqu’un qui l’aime, qui ne la traite pas de grosse, de moche. C’est un por­trait fouillé jusqu’à l’intime le plus pro­fond, tra­vaillé au scal­pel avec psy­cho­lo­gie. La roman­cière n’omet pas les détails, même les plus triviaux.

Et on ne lâche plus ce livre tant on s’attache au par­cours de cette femme qui veut se battre pour res­ter, ne pas perdre sa place. Mais, à quel prix ? Louise Mey puise dans l’actualité des élé­ments réels qu’elle uti­lise dans la trame de son livre.
Pour cer­tains détails, on ne peut s’empêcher de pen­ser à des faits divers récents qui ont fait les choux gras de cer­tains médias. Elle les traite, les intègre de façon que ceux-ci s’intègrent natu­rel­le­ment dans le cours du récit.

Un livre bou­le­ver­sant, servi par une écri­ture inci­sive, qui fait com­prendre les méca­nismes, les façons de pié­ger et expli­cite les dif­fi­cul­tés à s’en sortir.

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serge per­raud

Louise Mey, La Deuxième femme, Édi­tions du Masque, jan­vier 2020, 336 p. – 20,00 €.

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Filed under Chapeau bas, Pôle noir / Thriller

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