L’Angoisse ou L’Imprécision
Je sais beaucoup de choses sur l’angoisse. Mais, là où elle aboutit, ce qu’elle anéantit, me reste trouble. J’ai connu des crises d’angoisse telles, qu’elles n’avaient qu’à détruire mon être psychologique, pour aboutir à une désolation complète, un désert, la fin du temps en un sens. Ainsi, je sais son pouvoir.
C’est une flèche en soi qui se retourne et atteint la sensibilité de l’être, brutalité ou violence contre soi-même, sans profit, à mettre au rang du mal. En ce sens, l’angoisse est plus solide que volatile. Plus pierre que fluide. J’en ai pour preuve cette pression, cette oppression au niveau du plexus solaire, comme choc intraduisible, sans reconnaissance, pesanteur sans contour.
L’angoisse n’est pas forme mais totalité. Ainsi, on accepte sa plurivocité, sa nature opportuniste, la désignation soudaine qu’elle opère souvent en soi. Et si l’on peut faire d’elle un seuil, une porte devant le néant, sa nuisance reste floue, aléatoire, faisant feu de tout, proprement nouvelle toujours, jamais reconnue, toujours insidieuse et sans finalité.
Sans forme, sans contour, sans but, elle est neuve et pure de tout agrégat. Elle existe parce qu’augmentée du réseau nerveux, du jeu des synapses qui reste sans explications, venant de l’inconscient, de la syntaxe ou du syntagme « souffrir ». Là elle constitue un sentiment opaque, vivant, en quelque sorte, nervosité, présence, adéquation à Thanatos, figure de la mort, précognition de l’au-delà sans doute.
Dès mes années de collège, je comprenais parfaitement pourquoi ma professeure de lettres nous enseignait que l’angoisse se métaphorisait en une sorte de couvercle, d’éteignoir, de vase clos, d’un abîme ici poétique conduisant Baudelaire à qualifier cette drôle d’ivresse de souffrir.
Mon angoisse aujourd’hui ne vient plus que par brèves bouffées sèches, âpres, qui ne me détruisent plus. Elle en va parfois jusqu’à m’aider à réfléchir, à remettre en question un sujet sur lequel elle s’attarde. Elle est devenue une amie. Amie certes capiteuse, pleine de danger, nuageuse, gazeuse, davantage effluve que poids, agrandissant parfois mon champ de perception.
Amie de l’augure, où je me sais toujours mortel.
Didier Ayres
Remarquable. Précis comme une analyse, le récit d’un combat ! Merci, RS
oui, et cette lutte nous enjambe, nous dépasse en un sens; mais il reste vrai que c’est lutte; je pense à la métamorphose de kafka, où ce combat montre la drôle de puissance de l’angoisse la plus profonde; à bientôt, roberto
da.