Ce texte, fragmentaire et inachevé — dont le titre complet du manuscrit est Réveil d’Epiménide et Jafar dans l’ordre combiné en l’an 2000 - fait référence aux thèses développées dans Le nouveau monde amoureux.
Il se présente comme un dialogue entre Hipparque et Epiménide tenu sur les rives du Levant.
Fourier détruit la morale du monde en affirmant que la société ne doit avoir qu’une seule force constituante : la passion à la fois sexuelle et “économique” . Le second terme devant être entendu dans l’acception de la “dépense” chère à Bataille.
René Schérer et Constantin Irodotou complètent le texte de deux approches : “L’inconvenance reconvertie” et “Le visionnaire et son énigme”. Fourier, quant à lui, anime dans une grotte une horde des géantes et géants.
Le héros comprend qu’ “à son grand étonnement, quelques-uns de ces géants parlent grec, d’autres parlent une langue très sonore qu’il ne connaît pas (la langue unitaire qui sera déjà en activité en l’an 2000)”…
Ces géants ne sont en rien des rustres. Et les deux aventuriers sont plongés dans une sorte de paradis terrestre : “Vous voilà installés dans notre pays. Si vous aimez les plaisirs, les femmes, la bonne chère, les arts et les jouissances de toute espèce vous aurez de quoi vous satisfaire au-delà de vos vœux.” disent les géants. Ils craignent néanmoins que leurs invités soient gênés par la liberté de leurs moeurs…
Ils demandent au duo de vivre à leur aise voire de donner à leurs hôtes “des scènes divertissantes en soutenant les préjugés civilisés dont vous êtes nécessairement imbus puisque vous avez vécu dans Athènes et Paris”.
Redécouverte au XXe siècle par Breton puis Barthes, l’érotique de Fourier est ici à son zénith et prouve — au moment du réveil d’Épiménide — un total renversement des valeurs là où tous les désirs trouvent leur assouvissement.
Preuve que les épidémies n’ont pas toutes le même effet.
jean-paul gavard-perret
Charles Fourier, Le réveil d’Épiménide, Préfaces de Constantin Irodotou et René Schérer, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2014, 128 p.