Celle qui potasse le catalogue Ikéa — entretien avec Sandra Bechtel (L’art de rater dignement sa vie d’art[r]iste)

Les cau­che­mars d’enfance ont du bon : San­dra Bech­tel le prouve. Il est vrai que l’auteure de  L’art de rater digne­ment sa vie d’art[r]iste rêvait d’avoir pour amie Sophie — pour ses “mal­heurs”. Preuve que la lec­ture cica­trise. C’est un onguent du tigre (même si la créa­trice pré­fère la Jaguar ques­tion auto­mo­bile…), une Char­treuse verte (ou jaune) pour elle comme pour ses lec­trices et lec­teurs — sur­tout les per­dants parce qu’ils sont magni­fiques.
Mais les win­ners feraient bien d’y jeter un oeil. S’ils com­prennent que — et entre autres —  l’amour ne se parle pas : il se fait.

Entre­tien : 

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mon oppor­tu­nisme. Dont la consé­cra­tion est de sai­sir chaque jour cette mira­cu­leuse opportunité.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je ne fai­sais que des cau­che­mars, deve­nus le spec­ta­cu­laire jar­din où je sème et récolte en continu.

A quoi avez-vous renoncé ?
A plaire à tout le monde, à com­men­cer par moi.

D’où venez-vous ?
Bio­lo­gi­que­ment : d’un uté­rus espa­gnol. Géo­gra­phi­que­ment : de la Côte d’Azur. Der­niè­re­ment : de la salle de bain.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une légen­daire résis­tance, une légen­daire recette de tor­tilla, et une légen­daire pano­plie de phobies.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Boire mon café au lait du matin, face à la mer. Ultime.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres auteur(e)s ?
Y en a donc d’autres ?

Com­ment définiriez-vous votre approche du réel ?
Ani­male. En obser­va­tion et vigi­lance per­ma­nentes. Seules condi­tions pour l’intégrer de manière cel­lu­laire, et le retrans­crire de même.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
C’est sur­tout cette ques­tion qui m’interpella la première…

Et votre pre­mière lec­ture ?
« Les mal­heurs de Sophie ». La pre­mière qui m’a mar­quée en tout cas. Lit­té­ra­le­ment en boucle. J’aurais adoré être copine avec elle !

Quelles musiques écoutez-vous ?
Beau­coup déjà, et ensuite tou­jours liées au besoin du moment : élec­tro (pour écrire et dépri­mer), reg­gae (pour le ménage et l’apéro), disco/funk (pour dan­ser et récu­pé­rer une jour­née pour­rie), ambient (pour la médi­ta­tion et l’épilation), rap (pour mus­cler le flow), et les valses aussi… de Cho­pin ou d’autres, pour ce 3 temps qui me renverse.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Le cata­logue Ikéa.

Quel film vous fait pleu­rer ?
Tous ceux où la rai­son finit par l’emporter sur le cœur. Ça me le brise. Men­tion spé­ciale pour « Sur la route de Madi­son » (East­wood), ou der­niè­re­ment « Frantz » (Ozon).

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Ça dépend de l’heure. Celle qui sort de mon lit le matin n’est clai­re­ment pas celle qui s’y est cou­chée le soir.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A per­sonne. J’écris aux gens depuis que je sais écrire. La bonne ques­tion pour moi serait : A qui n’avez-vous jamais osé NE PAS écrire ?

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Mon lit, capi­tale de tous mes propres mythes. Et quand j’en sors, le tri­angle des Bermudes.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
V. Des­pentes, M. Duras, P. Clau­del, C. Bau­de­laire, D. Lynch, J. Audiard, A. Fon­taine, G. Deleuze, Y. Rit­sos, Y. St Laurent, Radiohead…

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Une enve­loppe avec les clés de ma nou­velle Jaguar crème à fau­teuils léo­pards qui me condui­rait vers ma nou­velle mai­son de plain-pied face à la mer avec un Mojito frais sur la ter­rasse et l’ordi ouvert sur la pre­mière page de mon second roman chez Actes Sud. Ou sinon LA demande en mariage que je serais sus­cep­tible d’accepter. Ou sinon LE V11 de Dyson. Ou sinon un sex-toy. Ou sinon tout ça.

Que défendez-vous ?
La vérité. Je men­ti­rais sous ser­ment pour elle, si elle me le demandait.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas » ?
Pas grand-chose à vrai dire. Com­men­cer à défi­nir l’Amour est pour moi le début de son extinc­tion. Autant le faire, sans discuter.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?“
Là je dis OUI ! Dans le doute tou­jours dire Oui.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Celle que vous n’osez jamais poser. Mais est-ce vrai­ment un oubli ?

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 mars 2020.

1 Comment

Filed under Chapeau bas, Entretiens, Poésie

One Response to Celle qui potasse le catalogue Ikéa — entretien avec Sandra Bechtel (L’art de rater dignement sa vie d’art[r]iste)

  1. Anne Marie Carreira

    Excellent entre­tien ❣

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