Zidrou & Josep Homs, Shi – t.04 : “Victoria”

Un album d’exception !

Dans cette série, Zidrou assemble avec maes­tria des évé­ne­ments poli­tiques authen­tiques, des faits his­to­riques, des actions fan­tas­tiques et des don­nées sociales sur l’Angleterre de la seconde moi­tié du XIXe siècle. Il met en scène deux jeunes femmes qui se dressent, parce qu’elles ont subi des vio­lences sociales, contre l’establishment rigide, gla­cial, qui régit la société sous le règne de Vic­to­ria. 
Celle-ci n’est pas encore la matrone impo­sante immor­ta­li­sée par tant de sta­tues. Elle aborde la qua­ran­taine et n’a enfanté que cinq des neuf reje­tons qui peu­ple­ront les cours et palais euro­péens. D’ailleurs le scé­na­riste place une scène tru­cu­lente où est conçu, sans doute, le sixième.

Deux femmes, vic­times de vio­lences fami­liales et poli­cières, dans cet État machiste, ont décidé de détruire l’Empire bri­tan­nique. La petite Pickles a été recueillie par un poli­cier qui a eu pitié d’elle. Le com­mis­sion­naire Kurb veut qu’on la jette dehors. Mais, la voyant, il se ravise.
La scène sui­vante se déroule sur la péniche où Jay, Kita et Sen­seï se cachent. Le bateau est envahi par la police et Kurb savoure son triomphe. Sous les yeux des deux femmes immo­bi­li­sées, il jette Sen­seï dans la Tamise. Il casse le cou de Pickles, celle-ci s’étant révol­tée, le poi­gnar­dant à l’épaule parce qu’il ne tenait pas sa pro­messe. Il s’apprête à abu­ser de Kita quand sur­git du fleuve une énorme entité qui prend les deux femmes dans ses mains grif­fues et dis­pa­raît dans l’eau. Pen­dant que la péniche coule Korb donne l’ordre de pour­suivre les fugi­tifs et de les abattre à vue.

Octa­vius, le père de Jay, se sou­vient du ser­ment fait avec ses com­pa­gnons dans le Nou­veau Monde et veut reprendre du ser­vice pour effa­cer l’indépendance des États-Unis.
Vic­to­ria, accom­pa­gnée de toute sa mar­maille, vient visi­ter le chan­tier naval où se met en œuvre sa nou­velle arme, ces bateaux révo­lu­tion­naires qui vont per­mettre à l’Angleterre de recon­qué­rir les colo­nies d’Outre-Atlantique.
Jay et Kita ont ramené le corps de Pickles à Hus­band, ce gamin des rues qui se consi­dère comme son mari. Celui-ci leur montre leurs avis de recherche et les place sous la pro­tec­tion des enfants des rues qui forment le gang des Dead Ends.
Les deux héroïnes vont pou­voir conti­nuer à se venger…

L’intrigue est enle­vée, tonique, d’une remar­quable effi­ca­cité. Il ne manque rien, mais sur­tout, il n’y a rien de trop, pas de lon­gueurs, de redon­dance. Tout est pesé, struc­turé au mil­li­mètre, plu­tôt au mot près. On retrouve l’esprit revan­chard d’une classe mili­taire qui n’a pas accepté de se faire évin­cer de ter­ri­toires amé­ri­cains, l’hypocrisie qui règne en maî­tresse, la misère sociale dont se gausse la bour­geoi­sie : “…ces orphe­lins dont Charles Dickens aime à peu­pler ses feuille­tons lar­moyants…”.
Cepen­dant, dans cet uni­vers bru­tal, sans pitié, Zidrou glisse un peu de poé­sie lorsqu’il place dans le nar­ra­tif qui tra­verse l’album : “Car au final, nous ne sommes que cela… …les braises de ces grands amours qui nous ont consom­mées.” Il fait réfé­rence à Can­daule et à la pra­tique sexuelle à laquelle est atta­chée le nom de ce roi semi-légendaire de Lydie.

Mais, aussi pré­cis et attrac­tif qu’il soit, le scé­na­rio de Zidrou per­drait de sa richesse, de son impact sans le des­sin de Josep Homs. Celui-ci offre une mise en images éblouis­sante, avec des décou­pages auda­cieux, une puis­sance évo­ca­trice des actions. Maître dans l’art de la plon­gée et de la contre-plongée, il régale le lec­teur de scènes stu­pé­fiantes. Tant pour les décors que pour sa nom­breuse gale­rie de per­son­nages, il tra­vaille le détail, le point qui accroche le regard.
Sa mise en cou­leurs res­ti­tue les ambiances et les atmo­sphères, que ce soit au sein des habi­ta­tions avec l’éclairage à la bou­gie ou dans les quar­tiers misé­reux où la lumière peine à pénétrer.

Victo­ria clôt de superbe façon un pre­mier cycle exem­plaire. Zidrou a mené à terme les mul­tiples rami­fi­ca­tions de son intrigue, mais ouvre, et c’est heu­reux, la pers­pec­tive d’une suite.
Si elle atten­due avec impa­tience, il faut tem­pé­rer celle-ci pour lais­ser à Josep Homs le temps de peau­fi­ner ses magni­fiques planches.

voir le trai­ler de l’album

serge per­raud

Zidrou (scé­na­rio) & Josep Homs (des­sin et cou­leur), Shi – t.04 : Vic­to­ria, Dar­gaud, jan­vier 2020, 56 p. – 14,50 €.

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