Les textes de Claire Malroux semblent nous emporter loin de notre temps de miasmes. Mais, de facto, il fait retour même lorsque la poétesse nous emporte dans une ville moyenâgeuse où “un ange et un dragon se livrent un long combat de part et d’autre de la fenêtre d’une maison qui jadis fut noble”.
Chacun des deux reste à sa fenêtre sans se parler ni même se regarder dans le paroxysme de leurs attributs et de leur rôle. Mais dans une indifférence généralisée. “De l’ange, le soleil a gercé les lèvres. Dans son nid de pierre, malgré ses ailes que stoïquement il déploie”, son corps est comme sectionné. Et le dragon ne vaut pas plus : “le vent et la pluie ont limé ses dents, ses griffes.”
Pour autant, de ce combat sans véritables lutteurs émanent une douceur et un baume qui descendent sur un monde qui s’effondre.
La mémoire intervient sans cesse en ouvrant une vie parallèle à celle qui est vécue “objectivement’” pour l’effacer et la broder.
Tout fonctionne dans un art de la digression et des associations d’idées dont Claire Malroux tire les ficelles. Dans l’ensemble des textes, le temps fait son oeuvre.
Et la technique qui ouvre la poésie rapproche de ce que Bergson nomma la vision panoramique des mourants mais qui devient, ici, celle des sur-vivants pour les raviver et effacer leurs extinctions.
jean-paul gavard-perret
Claire Malroux, Météo Miroir, Editions Le bruit du temps, 2020, 102 p.