L’amour est un des cercles de l’enfer
Dans ce grand petit (par la taille) livre superbement écrit, Richard Millet dit sa dette à Emily Brontë et plus particulièrement à son Wuthering Heights. L’auteur affirme une confraternité aussi morale que physique qui lui fait partager le stoïcisme de la romancière dans certaines périodes de sa vie.
A coté de ses auteurs fétiches (Alain-Fournier, Rimbaud, Dostoievsky, Giono, Robbe-Grillet et quelques autres), Emily Brontoë est la créatrice qui l’a confronté avec l’expérience du mal “que j’avais jusqu’ici tenu à distance” écrit-il.
Il y approfondit en rebond la question de l’être et du monde. Relisant à l’âge de 40 ans ce texte, il y retrouve “l’arroi taciturne ou sarcastique du mal (qui) semble ici à l’état pur”.
Dans ce roman, Heatcliff fait de l’irréversible une loi qui le mène au néant. Cette “âme qui se damne (est) une figuration de l’enfer sur terre”.
La lecture de Millet récure l’histoire au profit de son sens. Et plus particulièrement au moment où ce livre le renvoyait à ses propres épreuves de père.
L’auteur-lecteur y affronte jusqu’au bout le personnage de Heatcliff, il ne s’en détourne pas. C’est pourquoi cette lecture reste sans concession. Certes, lors de sa dernière relecture Richard Millet y distingue une sorte de rédemption — sans pour autant précise-t-il — qu’il existe une fin apaisante. Dès lors, “l’amour est un des cercles de l’enfer”.
Et tout compte fait, de Dante à Emily Brontoë, il n’existe qu’un pas que l’essayiste plus brillant et limpide que jamais accomplit.
jean-paul gavard-perret
Richard Millet, Ma soeur vierge — Emily Brontë, coll. La Petite Guêpine, Editions La Guêpine, Loches, 56 p., 14 E., 2020.
Richard Millet et JPGP ont ravaudé un passé recomposé au plus que parfait .