Dépôts de miel sur anonymes carcasses
Franchir le seuil des images toutes faites n’est pas un abandon. Car il faut savoir outrepasser les assises du beau. Et ce, en rectangles choisis afin d’en proposer l’épilepsie.
Leick dépose des brassées de lumière, des brins de joie là où pourrait germer la mélancolie. Dès lors, les rebuts qui attristent enchantent à nouveau l’espace que l’artiste reconfigure.
Sur de tels chemins pour entreprendre des choses folles, Joël Leick s’entête avec des pacotilles. Seule leur effervescence l’attire.
De telles occasions incongrues embrasent moins sa mémoire que son imaginaire si bien que le plus ancien invente l’avenir : “Je vois : des dépôts de toutes sortes, des résidus de mémoire, ce qui jaunit - miel du temps - un vieux matelas de graisse forme un linceul pour une nature indisciplinée. Ça fume. Je bloque ma respiration. Mise au point. Je capture une cabane où l’on creuse les carcasses anonymes. Il y a de l’or là-dedans.”
Pour cela, il suffit d’être présent à soi et au monde même lorsque le confinement est une nécessité vitale. C’est même l’occasion pour l’artiste de rassembler des fragments de toutes sortes en des épopées singulières, drôle et profondes. Il suffit de traquer, fouiller pour les construire.
Existe alors un aboutissement en soi de l’image. Le plaisir oculaire se produit là où Joël Leick réinvente un tissage épidermique ou un simple montage.
Des points vrillés s’amourachent entre eux parfois comme les poux que dorlotait Genet sur le grain de sa peau.
L’image devient convulsive là où pourtant son objet de départ n’était même plus un simple accessoire.
jean-paul gavard-perret
Joël Leick, L’image possible, Fata Morgana, Fontrfoide le Haut, 80 p. — 13,00 €.