Même si je dois communiquer quelques propos sur le vide bien trop brièvement, il faut que je divise quand même en trois moments distincts et corollaires cet incipit.
J’espère ainsi ne pas clore mais ouvrir des chemins vers l’appréciation de ce que le vide montre de soi et de la réalité de soi.
En premier lieu, l’épithète qui correspond sémantiquement au vide, est le rien. Le rien, l’absence de la présence. Est-ce une leçon du Zen ou un rapprochement avec le non-être taoïste qui domine cette notion ? Je ne tranche pas.
Cependant, je crois que le rien est bel et bien une absence de matière. Ce rien-là n’est pas à mon sens le contenu négatif de la mort ou d’avant la naissance. Non, il est une pure négation et ne délimite par conséquent aucun espace inconnu, puisqu’il n’est vraiment rien.
Ce rien s’associe à une autre épithète, je veux parler de la vacance, autre synonyme intelligible du vide. Là encore, si ce terme suppose une activité, une plénitude, une tension que la vacance libère, je crois aussi qu’elle représente un outil d’élévation spirituelle.
Je précise. Rester vacant œuvre, construit un lien, un endroit où la vie de la pensée trouve son expansion. La vacance fait poche, dilate, souffle intérieurement un espace où peut se recouper la réalité de l’entendement avec lui-même. Pour penser, il faut un temps organisé autour de rien, au milieu de la disponibilité de ce qui précède et de ce qui se continue.
Afin d’illustrer rapidement cette idée, je veux décrire en quelques mots une expérience scientifique qui consiste à éclairer la position d’un atome pour voir un point de sa trajectoire. Mais, pour voir ce point et le détacher du flux de la trajectoire, il faut utiliser la lumière, quand celle-ci provoque et influence l’itinéraire de l’atome qui change dès lors de cours.
Pour moi, là est le pouvoir de la vacance, dans cet éclat lumineux, cette possibilité de jouer un rôle dans le positionnement de la pensée, de la vie physique, intellectuelle et spirituelle d’une pensée. Vacance donc qui pousse, qui repousse et allège la pesanteur de la réalité conçue comme état souverain et permanent, quand la vacance justement, le souffle, la dilatation du dedans produisent de l’écartement, du vide, du champ.
J’évoquerai un dernier aspect du vide, en faisant allusion au très beau et très complexe concept de néant. Là non plus ni fin ni début. Mais un arc-boutant de l’univers.
Réfléchir aux intrications du néant et du tout, est un vrai abîme, un vertige où la pensée tourne et danse, s’abreuve et se saoûle. Car si la totalité est entière, elle doit inclure le néant. Mais le néant se refuse à l’inclusion par définition.
Il est donc un espace sans volume, sans présence, un espace sans espace. De cette façon tout lui est dépendant.
Car si une chose existe comme chose délimitée, comme forme, elle ne le devient uniquement que par l’absence de traits volumineux, de présence du néant, de ce qui entoure.
Le néant, base de toute représentation, implique le miroitement toujours contraire où pourrait se tenir l’âme par exemple. Est-ce une vacuité absolue et en ce cas consubstantielle à la matière, car l’atome gît dans le vide ? Ce qui me paraît notable en cette occurrence, c’est que le vide est un refuge impérieux, la demeure de l’absence, où l’âme, la prière ou toute activité liée au monde de la spéculation, sont rendues possibles.
Vide fondamental qui rend tout simplement la parole, le langage soutenable, autorise l’expansion, qui autorise le double infatué de toute expression langagière.
Ces propos combattent eux aussi en un sens une forme de vide, de ce qui advient, du vide comme endroit du temps, maison du présent.
didier ayres
Super ! Excellent.