Un chant de distance et de proximité
Pour Maurice Chappaz, le présent n’existe qu’en fragments. Et les oracles du temps le pulvérisent de manière collective ou générale.
Ainsi va la vie : elle nous porte, nous emporte et l’écrivain l’a traversée avec son élan, sa force et la simplicité qui mêlent à nos variables incertaines pour suggérer des propositions — fruits dégoulinants ou des queues de comète — si bien que sans cesse le réel et le rêve se mêlent.
Rien ne l’interdit. Et Maurice Chappaz l’a toujours pratiqué afin de découvrir des choses d’abord insoupçonnables là où la main de l’homme n’est pas toujours la bonne.
Mais, contre vents et barrage pharaonique de la Grande Dixence (où il fut aide-géomètre), il a puisé la matière du “Valais au gosier de grive” qui fait écho au “Chant de la Grande Dixence” plus lyrique.
Le poète joue ici de l’apparente naïveté et de la douce ironie : “Le gouffre, on le pétrit, / les collines, on en presse le jus, / la caque et les parfums. / Pas besoin de se faire du souci ! / Les machines sont des poètes / qui n’ont pas peur d’aller jusqu’au bout.“
Et pas besoin d’en dire plus. Preuve que la réflexion — la vraie — passe par de telles images et leur réalité expressive.
Des terres érodées se dresse un chant de distance et de proximité. Où, comme en cette période — qui forcément nous sidère -, les déplacements se heurtent à nos enfermements.
jean-paul gavard-perret
Maurice Chappaz, Le Valais au gosier de grive, Editiond Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 2008, 72 p. — 13, 00 €.
Par ailleurs, les mêmes éditions ont publié ou republié les oeuvres majeures de l’auteur.