Les segmentations de “Monotobio plutôt que Mon autobio, avec quatre O comme quatre roues bien rondes” ne sont pas pour rien dans la magie du texte de cet enlumineur occidental qu’est Eric Chevillard.
Cette présentation vient à contre-temps et contrepoint de la situation que contraint le Coranavirus. Car ici, il ne convient apparemment pas de lambiner eu égard au rythme que (jusque là) la vie imposait.
Et nous voici face à un écrivain paumé qui se débat comme il peut avec son autobiographie des plus précaires. Si bien que le narrateur — un rien obsessionnel — ne peut se contraindre à éliminer les moindres incidents de sa vie même lorsqu’il n’a fait que caresser le pelage d’un zèbre…
Mais il y a plus : non seulement l’oubli d’une moindre péripétie peut tout déséquilibrer mais, si tout est écrit — voire avant d’être vécu -, que resterait-il à inventer ?
Néanmoins, un tel soliloque trouve une tonalité qui dépasse le goût d’abîme même s’il pointe parfois son nez lorsque l’auteur écrit bien et avec humour. Existe là un côté mobile et flexible et la dynamique d’une approche à la fois pulsionnelle mais comique.
Chevillard se moque de l’échec toujours possible. Sous chaque moment s’accentue une méditation comme si l’auteur flairait par avance les traces des mots qu’il a sur le bout de la “langue” avant qu’il ne les écrive.
Le tout dans un processus de mémorisation et d’investigation. Celui-ci ouvre le langage au moment où Chevillard feint de le refermer : preuve que cette “otobiographie” roule bien et ce, jusqu’à son inachèvement.
Au lecteur de la finir (sans la garer) ?
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jean-paul gavard-perret
Eric Chevillard, Monotobio, Editions de Minuit Paris, 2020 , 176 p. — 17.00 €.