Peut-on encore aimer lire Alain Fournier ? Il est rangé de plus en plus à côté des oubliés. Pour autant, en un livre — et aussi ses lettres réunies dans La Pléiade - il garde sinon une modernité du moins une présence.
Car il ne se dérobe pas à sa vérité. Et son écriture en est tributaire.
Il est d’une manière naturelle un de ceux qui font bouger les lignes sans se transformer en joueur. Certes, l’oeuvre reste en ses limbes et chacun peut rêver de ce qu’elle allait devenir. Mais l’auteur reste le créateur d’une vision à la fois romantique mais aussi contemporaine de l’amour. Ce fut un peu le Sagan de son époque…
Il file entre les méandres du vrai et de faux, de l’étranger comme du même à lui-même. Certes, nous sommes loin du surréalisme ou de Kafka. Mais ce n’est pas pour autant qu’une telle oeuvre serait toxique ou inconséquente. Pour Alain-Fournier, le sacré reste l’intimité de la personne et à ce seul titre son livre majeur interpelle comme le font — d’une autre façon il est vrai — les livres de Saint-Exupéry.
Existe là une beauté littéraire qui n’a rien de carnavalesque ou — et à l’inverse — de nauséeuse. C’est pourquoi le livre bouleverse encore par l’humain qu’il charrie loin des binarités.
L’histoire d’une déception reste par certains points et comme le rappelle Philippe Berthier dans le flux d’un Nodier même si le commentateur rappelle que la fin du Grand Meaulnes manque de souffle et ne tient pas la distance.
Il n’empêche, le roman garde la grâce de captiver et d’émouvoir. Relire ce roman et ce choix de lettres, de documents et d’esquisses est plus qu’anecdotique.
C’est une forme de ressourcement.
jean-paul gavard-perret
Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, Edition de Philippe Berthier, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard Paris 2020, 560 p. — 48,00 €.