La Place Royale (Corneille/Anne-Laure Liégeois)

L’amour ne s’éprouve qu’aux détours d’inclinations dont la sin­cé­rité n’apparaît que négociée

Le public s’installe tan­dis que sont pro­je­tées sur l’écran des images buco­liques de jeunes gens en mal de pas­sion. De très beaux cli­chés fil­més en noir et blanc, propres à figu­rer la confu­sion des sen­ti­ments. Le rideau s’ouvre ensuite sur une salle à l’allure sciem­ment indé­ter­mi­née, entre salle d’attente et dis­co­thèque vin­tage, aux conno­ta­tions poten­tielles de salle de sport ou de cloître. L’argument pro­cède du para­doxe : le sen­ti­ment de l’amour, dési­gné cou­pable de nous rendre esclaves par sa puis­sance, doit être des­ti­tué de son pou­voir et réduit à néant. C’est d’abord le com­bat d’un esprit pour la maî­trise de lui-même. Mais la liberté contre la pas­sion ne sau­rait que guer­royer, jamais triom­pher, sauf à tra­hir une dupli­cité consti­tu­tive de la perversion.

Après quelques hési­ta­tions, le spec­tacle se révèle dyna­mique et ingé­nieux. La troupe, emme­née par Denis Poda­ly­dès et Elsa Lepoivre, se montre effi­cace et per­ti­nente. Quel­que­fois on sur­joue, sou­li­gnant l’artifice et don­nant à la pièce un côté vau­de­ville. Durant toute la repré­sen­ta­tion, une obser­va­trice atten­tive peut à loi­sir incar­ner le regard patient qui cherche à savoir. On s’inscrit pro­gres­si­ve­ment et irré­mé­dia­ble­ment dans la logique de la feinte sans que l’issue n’en soit dévoi­lée. L’amour ne s’éprouve qu’aux détours d’inclinations dont la sin­cé­rité n’apparaît que négo­ciée. Le texte de Cor­neille, qui sup­porte très bien l’actualisation qu’on lui impose, tisse un déroulé sub­til d’arguments d’obédience un rien théo­rique, auquel il fal­lait une construc­tion scé­nique légè­re­ment déca­lée, savam­ment iro­nique, pour en révé­ler la saveur et la tonicité.

 chris­tophe giolito

 La Place Royale
Comé­die en cinq actes de Pierre Cor­neille
mise en scène d’Anne-Laure Liégeois

Avec : Eric Géno­vèse, Alain Len­glet, Flo­rence Viala, Denis Poda­ly­dès, Elsa Lepoivre, Clé­ment Hervieu-Léger, Ben­ja­min Lavernhe, et Muriel Piquart.

Lumières : Marion Hew­lett
Scé­no­gra­phie et cos­tumes : Anne-Laure Lié­geois
Col­la­bo­ra­teur artis­tique à la dra­ma­tur­gie : Jean-Christophe Caval­lin
Assis­tant à la mise en scène : Mathieu Quin­tin
Assis­tante à la scé­no­gra­phie : Yaèl Haber
Assis­tante aux cos­tumes : Colombe Lau­riot Pres­vost
Assis­tant aux lumières : Patrice Lechevallier

Pour la pre­mière fois à la Comédie-Française
au Théâtre du Vieux-Colombier

 du 28 novembre 2012 au 13 jan­vier 2013
mardi à 19h, du mer­credi au samedi à 20h, dimanche à 16h, relâche lundi

 Prix des places : de 8 € à 29 €

 Ren­sei­gne­ments et réser­va­tions : au gui­chet du théâtre du lundi au samedi de 11h à 18h,

 par télé­phone au 01 44 39 87 00/01, sur le site Inter­net www.comedie-francaise.fr

 Le texte de la pièce de 1634 est publié par exemple dans la col­lec­tion GF en 2001

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