Maurice Renoma ne noie jamais le poisson — surtout lorsqu’il est rouge
Pour cultiver son mauvais genre, Maurice Renoma se fait accompagner — lors de ses mulitiples déplacements dans le monde — d’un étonnant ami de voyage. A savoir, un animal de compagnie des plus muets puisqu’il est en plastique et sur lequel l’artiste laisse planer le doute : “Est-il un résidu de pétrole issu de l’industrie du plastique, le résultat à court terme de la pêche intensive ou encore un ami artificiel dans notre société individualiste ?“
Cristobal — puisque c’est le nom de ce poisson rouge — dénonce l’omniprésence du plastique devenu fléau du monde plus particulièrement aquatique.
Maurice Renoma le fait se déplacer pour son exposition photographique, multimédia et immersive dans certaines eaux troubles réalisées à partir de matériaux de récupération. Elles permettent la découverte de lieux étranges et ce, en trois espaces. Dans la boutique Renoma, Cristobal apparaît dans des séries de photographie d’humeurs humoristiques, sensuelles et tendres.
Au Souplex, il frétille en des mises en scènes spectaculaires, cocasses et poétiques afin de montrer et brasser en des visions impressionnantes ces mutations et commutations maladives du sens commun. Enfin, à l’Appart, Cristobal se fait bobo présenté — comme il se doit pour une telle engeance — en pied ou selon des natures mortes classiques. Il devient le sujet de vanités de nos vanités et donc miroir de notre existence autant sociale que de consommateur.
Cristobal reste donc sujet et objet d’une monstration où émerge une réflexion sur notre monde de surconsommation et de la pollution qu’il induit. Si tout passe par là farce, le burlesque transfuse par nos propres illusions (que le Coronavirus met actuellement à mal). Celui qui appartient à la meute des poissons est donc scénographié in situ par Maurice Renoma et ses intrigues aussi drolatiques qu’amères.
Le poisson rouge, en se faufilant partout, prépare à l’invisible sans chercher à cicatriser ce qui nous arrive. Le fil de la sourde terreur tient le banc — de poissons — là où divague la satire loufoque.
Les rougets se bousculent, se cognent, s’empressent, résistent, refusent, arrivent à l’image qui elle-même se démultiplie avec humour à la lisière de notre lucidité endormie et que l’artiste réveille. Du fond de leurs ventres, Critobal et ses semblables quoique muets créent un sacré vacarme.
Et une nouvelle fois, Maurice Renoma — rusé iconoclaste - plonge dans les prémices de notre chute, trouble nos certitudes aux seins d’univers atypiques et de lieux décalés. Ils annoncent peut-être ce qui arrive et que le maître queue annonce avec le poisson qu’il pilote.
jean-paul gavard-perret
Maurice Renoma, Mythologies du Poisson Rouge, exposition et scénographie à la Boutique Renoma, au Souplex et à L’Appart Renoma, Paris, rue de la Pompe, du 27 mars au 31 juillet 2020.
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