Manon à Paris
L’opéra comique, d’après le roman de l’Abbé Prévost qui fit scandale en son temps, se situe au moment où Manon en partance pour le couvent change de route.
L’époque choisie pour cette mise en scène n’est ni le XVIIIème siècle ni notre temps mais les années 20 dites folles du siècle précédent et ses garçonnes.
S’ajoute à la pièce Josephine Baker en feed back (et aussi Marlène Dietrich) et des tableaux picturaux de cette époque avec, entre autres, vitraux et ferronneries noires dans l’esprit gare/musée d’Orsay.
Mêler toutes ces époques est une manière de questionner le statut de la femme.
Ajouter un nouveau temps entre ceux des oeuvres originales et le nôtre ne s’imposait peut-être pas forcément a priori, néanmoins cette audace cherche malgré tout le consensuel. Visuellement, c’est impressionnant.
Les incarnations sont d’une rare intensité là où les nuances de comédie et de tragédie sont astucieusement marquées. Les corps s’oraclent au ciel, la cambrure des êtres se sépare parfois du dos de la Terre et de la courbure de diverses mémoires.
Aux superpositions des strates s’immisce l’ombre de secrètes résistances. Rien ne trouble l’errance de Manon qui frappe l’imaginaire dans l’interprétation du personnage titre qu’en donnent les cantatrices soprano qui alternent, Amina Edris et Pretty Yende.
Mais la voix puissante du héros incarné par Stephen Costello et/ou Benjamin Bernheim est à la hauteur de deux femmes dont l’aisance est impressionnante dans les aigus comme dans le jeu.
L’orchestre est à l’unisson de la mise en scène même si Bastille est un lieu beaucoup plus grand que celui pour laquelle une telle oeuvre avait été conçue dans le cadre d’une démarche sans doute moins ouverte. Elle trouve là un ricochet réussi.
jean-paul gavard-perret
Massenet, Manon
direction musicale de Dan Ettinger et mise en scène de Vincent Huguet
d’après le texte de l’Abbé Prévost
Opéra de Paris, mars 2020.
Le 17 mars dans les salle UGC