Alien Quadrilogy Partie 2

La série des Alien per­met objec­ti­ve­ment de poin­ter la dimen­sion néga­tive de la toute-puissance technique…

Alien Qua­dri­logy, Par­tie 2

2) L’utilité mons­treuse des outils ou de l’art stel­laire d’accoucher de monstres anti­hu­mains

La série des Alien per­met ainsi objec­ti­ve­ment de poin­ter la dimen­sion néga­tive de la toute-puissance tech­nique — ces expé­dients par les­quels des indi­vi­dus déter­mi­nés, ordon­nant l’univers à leur guise, cherchent à rem­pla­cer Dieu. Inter­pré­ta­tion qui incite éga­le­ment à pen­ser que le monstre vaut sur­tout en tant que pré­texte, en tant que repous­soir du pro­grès des sciences et des savoir-faire de l’humanité. On peut même affir­mer dans cette optique qu’il n’est sans doute que le fruit du déve­lop­pe­ment insensé des apti­tudes humaines à s’inscrire dans le milieu exté­rieur. Cha­cun connaît la phrase de Goya selon laquelle « le som­meil de la rai­son engendre des monstres pen­dant son som­meil » : elle semble plei­ne­ment appli­cable à ce qui se passe dans ces films. Alien sonne le réveil de celui qui ne contrôle plus ses propres créa­tions. Telle est la créa­ture, é-norme, échap­pant à toutes les conven­tions du genre hor­ri­fique, telle que l’a conçue en 1979 le scé­na­riste du pre­mier volet (cf bonus Le 8ème pas­sa­ger).

A cela on peut objec­ter, au sens pre­mier, que Ripley n’est pas res­pon­sable de ce qui se pro­duit sur le vais­seau spa­tial lors de cha­cune de ses ren­contres avec l’Alien. Ne serait-ce pas cepen­dant oublier que le propre de la tech­nique consiste à enga­ger cha­cun de nous à être res­pon­sable (devant les autres) de tout ce qu’implique l’utilisation de machines ou d’ordinateurs cen­sé­ment par­fec­tion­nés ? Une concep­tion qu’induit la défi­ni­tion même de toute tech­nique, quelque soit son degré. Sur le modèle de l’art, son loin­tain parent, la tech­nique évoque d’emblée un pro­cédé de fabri­ca­tion orienté vers une fin. Tou­te­fois, alors que l’art se carac­té­rise par une fin esthé­tique dés­in­té­res­sée, la tech­nique vise avant tout une cer­taine « uti­lité ». La réus­site de la tech­nique se mesure ainsi au degré d’efficacité des moyens mis en oeuvre pour amé­lio­rer les capa­ci­tés d’une machine, la ges­tion d’une entre­prise, ou encore étendre la maî­trise de l’homme sur la nature.

Cela explique que l’opinion com­mune soit ame­née à juger de manière contra­dic­toire le déve­lop­pe­ment tech­nique : elle estime en effet que le pro­grès tech­nique peut libé­rer l’homme, mais elle craint que les machines puissent un jour sou­mettre leurs créa­teurs à leur logique. Si ces deux films Alien s’interprètent à la lumière des consé­quences morales qu’entraîne le déve­lop­pe­ment immo­déré de la tech­nique dans la civi­li­sa­tion humaine, une ques­tion de fond se fait jour, par où l’approche phi­lo­so­phique rejoint la science-fiction ciné­ma­to­gra­phique : à l’aune d’Alien, l’humanité est-elle mena­cée par ses propres inven­tions si le déve­lop­pe­ment tech­nique devient fac­teur d’esclavage au lieu de libé­rer les hommes ?

3) Le pro­jet d’une tech­nique libé­ra­trice

Le pro­blème est d’autant plus cru­cial que l’on sai­sit mal com­ment un tel effet per­vers se pro­duit, fai­sant en sorte que ce qui était des­tiné à créer néan­tise. Contem­po­raine de l’apparition et du déve­lop­pe­ment de l’humanité, la tech­nique désigne des pro­cé­dés, outils, ins­tru­ments, savoir-faire, par les­quels s’accomplit un cer­tain tra­vail, une modi­fi­ca­tion ou une trans­for­ma­tion consciente de la nature. Pos­ses­sion d’un savoir-faire, le mot tech­nique ren­voie à une pra­tique effi­cace acquise par un appren­tis­sage. L’origine de la tech­nique vient de ce qu’elle four­nit à l’homme les moyens d’adaptation à un envi­ron­ne­ment hos­tile. La tech­nique, du grec tekhnê (qui signi­fie : « fabri­quer, construire, pro­duire quelque chose »), se défi­nit bien comme un savoir-faire dont le but est un com­por­te­ment effi­cace et appro­prié aux circonstances.

La tare pro­mé­théènne
Pla­ton indique dans le Pro­ta­go­ras que c’est parce qu’il est dépourvu, à la dif­fé­rence des autres ani­maux, des facul­tés qui per­mettent d’affronter les périls natu­rels, que « l’homme nu » doit s’emparer du feu et des « sciences propres à conser­ver sa vie ». Selon ce mythe, lors de la créa­tion du monde, les dieux chargent Epi­mé­thée d’attribuer à cha­cune des espèces ani­males des qua­li­tés appro­priées. Il donne « aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force » et à tous les moyens néces­saires à leur sur­vie. Pro­mé­thée, venu exa­mi­ner le tra­vail de son frère, est sur­pris de consta­ter que celui-ci a oublié de pour­voir la race humaine. L’homme est « nu, sans chaus­sure, ni cou­ver­ture ni arme ». Alors, Pro­mé­thée, ne sachant que faire, vole à Héphaïs­tos et à Athéna le feu et la connais­sance tech­nique, puis en fait don à l’homme pour lui per­mettre de sur­vivre. Ce mythe signi­fie expli­ci­te­ment que l’être humain est ori­gi­nai­re­ment nu et qu’il ne réus­sit à se pro­té­ger qu’en ayant recours aux arti­fices de l’intelligence technique.

Les ani­maux eux-mêmes ne dis­posent pas d’un tel savoir-faire, plus adapté à leurs fins, car cette capa­cité d’adaptation est spé­ci­fique à l’humanité — qui use du corps comme d’un ins­tru­ment natu­rel puis lui confère des pro­lon­ge­ments tech­niques. Aris­tote a éta­bli que la tekhnê est une « dis­po­si­tion tour­née vers la créa­tion » et « accom­pa­gnée de rai­son » qui, de ce double point de vue, oppose l’homme et les autres ani­maux. Du fait de ce talent, l’homme n’est donc pas un être par­ti­cu­liè­re­ment démuni, bien au contraire. La nature qui, selon la for­mule d’Aristote, « ne fait rien en vain », a donné à l’homme des mains et une intel­li­gence, réqui­sits d’une adap­ta­tion réus­sie. Elle repose prin­ci­pa­le­ment sur l’usage des outils. L’homme se défi­nit ainsi ulté­rieu­re­ment comme un « Homo Faber » (l’homme fabri­ca­teur d’outils), ce qui tend à faire de l’intelligence — la faculté de fabri­quer et d’utiliser des objets arti­fi­ciels — un attri­but pro­pre­ment humain. L’homme est donc un arti­san dont les pro­cé­dés sup­posent la mise en oeuvre d’instruments au ser­vice d’une fin qui est la fabri­ca­tion d’objets techniques.

L’outil et l’action : le robot, allié ou ennemi technologique ?

Par la média­tion de cet objet fabri­qué qu’est l’outil, construit en vue d’une fonc­tion déter­mi­née, l’homme mul­ti­plie les capa­ci­tés de ses propres organes et asseoit sa domi­na­tion sur les autres espèces. L’outil ne sau­rait donc être réduit à « la conti­nua­tion, la pro­jec­tion au-dehors de l’organe », dont il serait le simple « membre pro­longé » (1). En effet, à la dif­fé­rence de l’animal, qui met son corps en avant au risque de la mort, l’homme éco­no­mise sa puis­sance cor­po­relle en uti­li­sant l’outil, « condi­tion de la pen­sée, qui est l’essai sans risque » (2). La tech­nique des outils per­met à l’intelligence humaine de façon­ner son envi­ron­ne­ment au lieu d’y être sou­mise. Elle auto­rise une exten­sion maxi­male des pou­voirs natu­rels de l’homme. La créa­tion ulté­rieure de machines sans cesse plus sophis­ti­quées se com­prend ainsi comme l’acmé du dépas­se­ment des limites impar­ties phy­si­que­ment au simple corps (3). Alien met ainsi en avant des robots sophis­ti­qués, cen­sés agré­men­ter l’existence humaine.

Lorsque Ripley et la troupe de mer­ce­naires par­viennent à gagner la sor­tie du vais­seau où se déroule l’action dans Alien IV, le doc­teur emprunte son arme à Cole et l’abat sou­dain, blo­quant la porte afin de s’enfuir seul vers la Betty. Cole réap­pa­raît cepen­dant et Ripley découvre qu’il est un robot de la seconde géné­ra­tion : un robot conçu par un robot. Pré­ci­sé­ment, le gou­ver­ne­ment a fait dis­pa­raître ce type de robots parce que, pro­duits pour aug­men­ter la pro­duc­ti­vité des usines, ils s’étaient révol­tés. Seul un petit groupe a pu en réchap­per, dont Cole qui a eu connais­sance dans les dos­siers secrets du gou­ver­ne­ment de l’histoire des Aliens. Or, en dépit du fait que les hommes aient détruit son espèce, le robot conti­nue à les défendre, puisque c’est sa « mis­sion », sa pro­gram­ma­tion ini­tiale. « Seul un robot peut avoir le coeur aussi sen­sible », lui lance Ripley, qui n’hésite pas à se ser­vir de lui pour faire sau­ter le vais­seau, étant donné qu’il est capable de rem­pla­cer l’ordinateur cen­tral défaillant, Le Père.

On voit que, pour une fois (le fait est suf­fi­sam­ment grave dans la série Alien pour être sou­li­gné), une des inven­tions tech­niques de l’homme ne se retourne pas contre lui. De fait, Ripley, réti­cente à s’appuyer sur un androïde (en sou­ve­nir de la tra­hi­son du robot Ash dans Alien I) est ame­née à faire la part des choses : cer­tains androïdes sont plus fiables que les hommes de la Com­pa­gnie, pour qui les vies humaines comptent peu eu égard aux inno­va­tions tech­no­lo­giques et donc à la richesse que repré­sentent les Aliens.

Machi­nisme, révo­lu­tion indus­trielle et sciences expé­ri­men­tales

Voilà bien le signe, pour qui l’aurait oublié, que le « déve­lop­pe­ment tech­nique » ne doit pas s’entendre de manière uni­la­té­ra­le­ment réduc­trice : ce terme ne désigne pas seule­ment les lentes évo­lu­tions des tech­niques arti­sa­nales au cours des siècles mais ren­voie à l’extension essen­tielle du machi­nisme depuis le XVIIIe siècle. Et à l’application crois­sante des sciences aux tech­niques par les­quelles s’effectue la trans­for­ma­tion de la réa­lité. Une appli­ca­tion auto­ri­sée a par­tir du XVIIIe siècle par la nais­sance du méca­nisme et le déve­lop­pe­ment de la science expé­ri­men­tale. Rap­pe­lons que la révo­lu­tion indus­trielle s’accomplit en trois étapes. Le déve­lop­pe­ment de la machine à vapeur ouvre l’ère du machi­nisme qui sub­sti­tue la machine-outil à l’outil et les forces natu­relles à la force mus­cu­laire humaine. Puis, la dif­fu­sion de l’industrie élec­trique per­met le pas­sage de la tech­nique des outils à la science appli­quée ou tech­nique scien­ti­fique. Enfin, la libé­ra­tion de l’énergie ato­mique contri­bue à l’essor de la « société industrielle ».

Cette exten­sion du règne des tech­niques fait en sorte que l’homme qui com­mande la machine libère son corps de la fatigue, fruit de gestes dif­fi­ciles et répé­tés. La pro­duc­tion en grande série carac­té­rise cette civi­li­sa­tion indus­trielle où le tra­vail devient moins pénible mais plus inten­sif. Mais, en contre­par­tie, on assiste à la mul­ti­pli­ca­tion des tâches répé­ti­tives et par­cel­laires, à l’annihilation de tout esprit d’initiative chez l’ouvrier qui n’est qu’un simple exé­cu­tant, au déve­lop­pe­ment du chô­mage. C’est un fait que la consom­ma­tion de masse est une néces­sité pour une société de pro­duc­tion dont le pro­blème essen­tiel est d’écouler cette pro­duc­tion ou plu­tôt de la « vendre ». Exi­gence que l’on retrouve dans Alien, via les manœuvres sub­ver­sives de la Com­pa­gnie (nous y revien­drons), jusqu’aux confins de l’espace. D’où les inci­ta­tions de la publi­cité qui excitent les consom­ma­teurs à ache­ter (4). Selon G. Fried­mann, la civi­li­sa­tion tech­ni­cienne pose pour nos socié­tés le « pro­blème des pro­blèmes », qu’il énonce ainsi : « Dans quelles condi­tions concrètes le pro­grès tech­nique peut-il abou­tir à un pro­grès moral, c’est-à-dire à l’accession d’un nombre tou­jours plus grand d’individus à la dignité per­son­nelle, à l’épanouissement de leurs vir­tua­li­tés phy­siques et spi­ri­tuelles, à leur culture ? » (5).

De ce creu­set où le tra­vail humain éla­bore chaque jour de nou­veaux moyens pour s’adapter à son milieu, satis­faire ses besoins (voire ses désirs) se dégage un pro­grès paral­lèle des sciences et des tech­niques. À comp­ter de ce moment, la machine, qui uti­lise diverses formes d’énergie, se dis­tingue des outils, asso­ciés aux forces mus­cu­laires humaines. Le propre de la machine, dont le fonc­tion­ne­ment est auto­nome, est d’exister par soi-même et donc de pou­voir se sub­sti­tuer presque entiè­re­ment à l’homme. Cela n’empêche pas qu’en droit même la plus « intel­li­gente » des machines demeure sous la dépen­dance de l’homme pour sa concep­tion, sa fabri­ca­tion et sa répa­ra­tion. Elle ne peut à ce titre viser l’autonomie propre à l’organisme, même le plus pri­maire. Par exemple, dans Alien I, lorsque le Nos­tromo s’éloigne de la pla­nète, emme­nant avec lui la créa­ture qui a réussi à quit­ter sa pla­nète et devient « le hui­tième pas­sa­ger » à bord, l’Alien se voit recon­naître un for­mi­dable « méca­nisme de défense » (l’acide molé­cu­laire lui tient place de sang) puisque les hommes ne peuvent appa­rem­ment pas le tuer. Ana­ly­sant les tis­sus cel­lu­laires de la créa­ture, le Doc­teur Ash conclut que la chose a l’habitude de perdre ses cel­lules et de les rem­pla­cer par du « sili­cone pola­risé », ce qui lui donne une résis­tance plus forte pour affron­ter son envi­ron­ne­ment et s’en défendre. Or, par la suite, libé­rée du corps de Kane — qu’elle a para­sité lors de la sor­tie de l’équipage du Nos­tromo pour visi­ter un vais­seau aban­donné — la créa­ture dis­pa­raît dans les entrailles du vais­seau avant d’exterminer un à un les membres de l’équipage.

Cepen­dant, lorsque le chef de bord, Dal­las, demande à Mother la marche à suivre pour éli­mi­ner l’étranger, l’ordinateur estime les don­nées insuf­fi­santes. La machine, aussi per­fec­tion­née soit-elle, ne peut plus désor­mais secou­rir les hommes, qui doivent affron­ter seuls leur des­tin. Ayant accès à Mother suite à la mort du com­man­dant du vais­seau, Ripley apprend ulté­rieu­re­ment que l’ordinateur ne répond qu’aux ordres de Ash, qui a reçu la consigne d’aller cher­cher l’organisme étran­ger sur la pla­nète et de le rame­ner sur Terre, quitte à sacri­fier l’équipage. Telles sont les limites des machines aux­quelles il convient de pré­fé­rer l’intelligence humaine dès qu’il s’agit de sur­vivre. Cas limite exem­plaire, Alien est un film (un ensemble de films) idéal pour toute réflexion phi­lo­so­phique sur le thème de la tech­nique en ce qu’il dis­cré­dite d’emblée l’efficacité d’une tech­no­lo­gie fruit de mil­lions d’années de labeur humain.

De nou­veau, face à la Bête, l’homme est nu et désem­paré, sommé de recou­rir aux res­sources de son intel­li­gence s’il veut sur­vivre et entra­ver la pro­li­fé­ra­tion du Mal. Uti­lité et libé­ra­tion Il est vrai mal­gré tout que les limites consta­tées ne cessent d’être repous­sées. Tout ce que per­mettent les machines n’est certes pas uni­que­ment néga­tif (Ripley ne réchappe du monstre que grâce à un mini­mum d’artefacts, faute de quoi son ins­tinct de sur­vie ne lui serait d’aucun secours). Ce « pro­grès » rela­tif se pro­duit parce que l’acquisition des connais­sances scien­ti­fiques requises par le déve­lop­pe­ment tech­nique par­ti­cipe de l’utilité que l’on espère en reti­rer — un « uti­li­ta­risme » qui n’a cessé de gagner du ter­rain dans nos civi­li­sa­tions. Comme le sou­ligne Des­cartes au XVIIe siècle, la tech­nique doit à terme libé­rer l’humanité de la souf­france du tra­vail (6). La nais­sance des sciences expé­ri­men­tales est mise en relief par le phi­lo­sophe qui se prend à rêver des appli­ca­tions pra­tiques qu’elles auto­risent. Cer­taines inven­tions tech­niques « feraient que l’on joui­rait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les com­mo­di­tés qui s’y trouvent ». Elles devraient per­mettre d’éviter autant que pos­sible les affres de la mala­die et du vieillis­se­ment : d’assurer « la conser­va­tion de la santé, laquelle est sans doute le pre­mier bien et le fon­de­ment de tous les autres biens de cette vie ».

En affir­mant que le déve­lop­pe­ment de la tech­nique passe par la sub­sti­tu­tion des « forces et actions du feu, de l’eau, de l’air » aux forces mus­cu­laires des hommes ou des ani­maux, Des­cartes annonce les futures révo­lu­tions indus­trielles. Il pointe que par ses inven­tions et le per­fec­tion­ne­ment de son savoir l’homme s’affranchira de la nature en géné­ral. S’élèvera en quelque sorte à la puis­sance divine en riva­li­sant avec le maître de la nature. C’est un fait aujourd’hui clai­re­ment éta­bli que nous sommes bien moins dépen­dants de la nature « brute » que nos ancêtres. Le machi­nisme a bel et bien mul­ti­plié les pro­duits du tra­vail humain dans lequel cha­cun de nous peut se recon­naître et repous­ser l’étrangeté du milieu exté­rieur. Il est incon­tes­table que les pro­grès accom­plis en matière de trans­port ou de com­mu­ni­ca­tions rendent le monde plus acces­sible à tout citoyen.

À l’heure du réseau Inter­net mon­dial, les contraintes liées aux sépa­ra­tions dans l’espace et le temps ne signi­fient plus grand chose. Encore convient-il de déter­mi­ner si les révo­lu­tions poin­tées par Des­cartes ont bien réa­lisé ce pro­jet libé­ra­teur ! En effet, cette maî­trise « tech­nique » s’est rapi­de­ment accom­pa­gnée d’une conno­ta­tion néga­tive. A la dif­fé­rence de l’art et de la science, la tech­nique ne se contente pas de trans­fi­gu­rer la nature mais aspire à la modi­fier. D’où l’effroi sus­cité par la puis­sance quasi divine qu’elle attri­bue à l’homme. La tech­nique res­sort ainsi pour beau­coup d’une trans­gres­sion qui menace la vie de l’homme lui-même, être orgueilleux et insa­tiable. De crainte de s’attirer la colère des Dieux, les anciens Grecs étaient atten­tifs à ne pas vio­len­ter la nature. C’est pour­quoi, dans le mythe du Pro­ta­go­ras, Pro­mé­thée paye de ses souf­frances le secret du feu qu’il a osé trans­mettre aux hommes.

fre­de­ric grolleau

A suire, Alien Qua­dri­logy Par­tie 3

Lire la Par­tie 1 du dos­sier Alien Qua­dri­logy

NOTES
1. A. Espi­nas, Les Ori­gines de la tech­no­lo­gie moderne, 1897, Felix Alcan
2. Alain, Les Idées et les Ages, op. cit., p. 251
3. Lewis Mum­ford, Tech­nique et civi­li­sa­tion, Seuil, 1950 : « Le robot est le der­nier stade d’une évo­lu­tion qui a com­mence par l’utilisation (…) d’une par­tie quel­conque du corps humain ».
4. G. Fried­man, Sept Etudes sur l’homme et la tech­nique, Média­tions, p. 187. Cette société indus­trielle désigne « l’action mul­ti­forme, de plus en plus répan­due et impé­rieuse, d’un ensemble de tech­niques dont les sti­muli atteignent dans son exis­tence de tra­vail et hors tra­vail, diurne et noc­turne, l’homme des socié­tés indus­trielles, celui des centres urbains aussi bien que l’habitant des régions encore dési­gnées comme rurales ».
5. ibi­dem.
6. Dis­cours de la méthode, sixième par­tie : « Sitôt que j’eus acquis quelques notions géné­rales tou­chant la phy­sique […], j’ai remar­qué jusques où elles peuvent conduire […]. Elles m’ont fait voir qu’il est pos­sible de par­ve­nir à des connais­sances qui soient fort utiles à la vie qu’au lieu de cette phi­lo­so­phie spé­cu­la­tive qu’on enseigne dans les écoles, on en peut trou­ver une pra­tique, par laquelle, connais­sant la force des actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous envi­ronnent, aussi dis­tinc­te­ment que nous connais­sons les divers métiers de nos arti­sans, nous les pour­rions employer en même façon à tous les usages aux­quels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maîtres et pos­ses­seurs de la nature ».

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