Zéno Bianu permet d’ouvrir le souffle et la lumière de la poésie indienne, des Védas à nos jours. Certes, une traduction ne peut donner tout ce qui en cette poésie se dit à l’origine en sanscrit, ourdou, indi, bengali, marathi, tamoul, etc. Elle ne peut que trahir forcément le sens premier des oeuvres originales.
Mais cela est vrai pour toute traduction. Et cette anthologie ouvre bien des portes jusque là quasi fermées.
L’Inde est par essence - et depuis ses Védas — comme la terre d’une poésie toujours vécue comme une libération. Et ce, par une manière d’envisager la Parole d’une façon plus cosmologique que dans nos civilisations dominées par les religions du dieu unique. Celles-ci ont toujours bridé une poésie qui mettait en jeu le Cosmos au profit de son possible “inventeur”.
A la puissance cosmique, les poètes indiens n’ont cessé de donner leur contrepoint. Des plus anciens (Upanishads, Nâmdev, Mirabaï, etc) aux plus récents dont Rabindranath Tagore (auquel on a trop souvent réduit la poétique indienne) ou Lakenjat Bhattacharya. De tels poètes “maîtres du sensible” (Zéno Bianu) ont mis en scène les “sueurs d’une passion dévorante à la fois charnelle et individuelle” (idem).
Tout un monde à la fois multiple et un se mélange en une “ardore” cosmique mais qui ose faire une part au chant des rebuts, aux migrations des tribus, à la vie invisible sur la toile d’un univers incompréhensible tant que le souffle n’est pas.
L’anthologie nous en rapproche comme d’une conscience profonde du monde. Elle doit se remettre en place à l’arrivée de l’esprit du matin dans des écritures où l’éloquence prend un nouveau sens contre les tempêtes et vers l’apaisement auquel des poètes comme Udayan Vajpeyi ou Pritich Nandy donnent un élan contemporain.
jean-paul gavard-perret
Un feu au coeur du vent — Trésor de la poésie indienne, Edition de Zéno Bianu, Poésie / Gallimard, Gallimard, Paris, 2020, 336 p. — 18,60 €.