Dans une New-York paralysée par une tempête de neige, une série de meurtres d’agents des forces de l’ordre (à commencer par un agent du FBI) perpétrés par un sniper très doué met le FBI, en charge de l’enquête, sur les dents.
Pour tenter de pénétrer dans l’esprit a priori tordu et complexe du tueur, on fait revenir dans les rangs un ancien agent, Lucas Page. Non seulement parce qu’il a été collègue du premier mort, mais surtout parce qu’il est doté, aux dires de ceux qu’il va côtoyer au Bureau, d’un « don – après tout, quel autre nom lui donner ? – comme un sens spatial particulièrement développé. […] qui convertissait le décor en valeurs numériques. » (p. 118).
Car en effet, « quand on y pense, rien n’est pire que de pourchasser un homme armé d’un fusil dans une ville pleine de fenêtres. » (p. 37) A contrecœur, Lucas Page abandonne donc un temps ses cours d’astrophysique à la fac, où il est adulé, et sa femme Erin chargée de toute une famille recomposée d’enfants recueillis ou adoptés.
Le « génie bionique », surnommé ainsi à cause des nombreuses prothèses qui reconstituent son corps (des doigts métalliques, une jambe et un œil de verre) reprend du collier malgré les griefs qu’il garde envers le FBI, un poste qui lui a valu ces nombreuses blessures et la personne même qui vient le chercher, Koebe, aussi froid que désagréable.
Même si désagréable, Lucas Page l’est aussi aux yeux de la plupart des gens, atteint qu’il est par un Asperger qui en fait un être à l’intelligence surdéveloppée mais incapable de feindre l’intérêt, la compassion ou l’amabilité.
L’enquête entraîne aussi le lecteur dans le fin fond de l’Amérique, entre les fervents défenseurs des armes et les croyants tout aussi fervents en un Dieu tout-puissant – qui sont souvent les mêmes. À travers une énigme et un suspense fort bien menés, Pobi n’hésite pas à égratigner la société de son pays, notamment son culte de la violence.
Au fil des pages, il mêle l’avancée de l’intrigue, les diatribes anti-armes, mais en n’allant jamais dans un seul sens. Rien de manichéen dans son approche et ses descriptions, tout le monde en prend pour son grade, autant le FBI que les collectionneurs d’armes, la police que les habitants du fin fond de cette Amérique tellement recroquevillée sur elle-même.
Un gros livre dont le style assez cinématographique emporte le lecteur jusqu’au bout.
agathe de lastyns
Robert Pobi, City of Windows, traduit de l’anglais (États-Unis) par Mathilde Helleu, Les Arènes (Equinoxe), janvier 2020, 496 p. – 20,00 €