Briser les fenêtres sans voix
Des territoires cassés, Richard Meier relève les miettes. A l’improbable il dérobe l’hésitation pour créer les insurrections du désir de lieux et de poésie.
Dans les espaces de ses pages, le créateur fait s’écrouler le simulacre, coupe certaines clôtures en inventant des “mots de passe” en cartographies du Tendre.
Et ce dans Kenningars et Suivis de Meuse en plan de peintures. “Ces Suivis ou tracés poétiquo-cartographiés en kenningars, se donnent comme fleurs d’une rhétorique, via la Meuse en commun, faisant liaison entre Metz et Rotterdam.” écrit Meier.
Ramenant à ces Kenningars de la poésie islandaise qui “eurent leur apogée vers l’an 1000, époque où les thulir où rhapsodes, récitants anonymes, furent remplacés par les scaldes, poètes animés de quelques intentions personnelles”, Meier propose donc ses nécessaires translations. Tout un mouvement est en marche comme — aussi — dans L’ombre portée, extraits de carnets de 1991.
De telles reprises mettent “en musique la couleur surtout, avec un “dégraissage” de l’image” écrit le créateur afin de souligner comment la couleur vient sous le trait pour en contrecarrer la froideur dans une sorte de métaphysique des formes.
Il s’agit, comme l’écrivait Jean Tardieu repris par Meier, de “faire pâlir l’ombre et tourner autour de la lumière / mais pas pour une règle / (…) Je vois je parle j’entends je suis mille / cent mille par le blanc par le bleu / pâle éclatant chaleur mon front les yeux fermés de neige soleil”. A la césure du souffle, à l’abandon des gouffres, Meier répond en cicatrisant le silence afin de permettre bien des envols.
A l’écart de la clôture, se dépouillent la forme, le creux, les stigmates, le mirage du geste en ses articulations”.
Le tout par une incursion aux plis du désir, au croisement de la chair et à la palpitation du monde et dans l’aporie de leurs sédiments.
jean-paul gavard-perret
Richard Meier, Kenningars et Suivis de Meuse & L’ombre portée, Richard Meier, VOIX éditions, 2020.
Magnifique article qui donne envie de découvrir ces territoires mille-feuilles…