Coffret Peter Greenaway 4 DVD

Ce cof­fret MK2 comble un vrai manque et rend toute sa splen­deur ori­gi­nelle au tra­vail de cet auteur

Peter Gree­na­way : le fan­tasme du contrôle

En sor­tant un cof­fret 4 DVD consa­cré à Peter Gree­na­way, MK2 pro­pose de reve­nir sur un cinéaste par trop méconnu. Un véri­table artiste en fait, plus proche du peintre que du réa­li­sa­teur dans son approche de la mise en scène. Une œuvre réso­lu­ment à part. Le nou­veau cof­fret 4 DVD Peter Gree­na­way sorti chez MK2 per­met de le véri­fier : rare­ment cinéaste épousa une telle concep­tion for­ma­liste de son art. Ancien pho­to­graphe, l’auteur sacri­fie tout à la com­po­si­tion, à ses plans, subor­don­nant même l’histoire à son amour immo­déré de l’équilibre. On ne regarde pas un film de Peter Gree­na­way, on l’admire, ébau­bis, conscients aussi d’assister à une per­tu­bante col­li­sion des repères, voire à une pure col­lu­sion artistique.

De la pein­ture et du cinéma

Asso­ciés dans d’impeccables agen­ce­ments pic­tu­raux, les Arts chez Gree­na­way débordent lit­té­ra­le­ment de leurs limites res­pec­tives, s’interpénétrant jusqu’à l’absurde, tout en res­tant com­pris dans un cadre res­tric­tif et archi-contrôlé. Le résul­tat effraie tout autant qu’il fas­cine. Domi­na­tion et mise en scène Même dans Meurtre dans un jar­din anglais, para­doxa­le­ment son pas­se­port pour la noto­riété, Gree­na­way ne reniera pas ses obses­sions. Au contraire, à bien des égards, sa concep­tion du 7ème Art trou­vera là, dans ce 18ème siècle pré­cieux, une espèce d’aboutissement, un idéal de per­fec­tion visuelle auquel seuls quelques chefs d’œuvre peuvent pré­tendre. Car de cette étrange his­toire d’artiste tota­li­taire et maître-chanteur, véri­table obsédé du contrôle absolu, Gree­na­way va tirer un mani­feste esthé­tique en même temps qu’une mise en abyme du métier de cinéaste. Com­ment ne pas voir chez ce peintre régen­tant avec auto­rité son champ de vision, une pro­jec­tion du désir inavoué de tout met­teur en scène ?

Inter­ro­geant l’image est ses détails à la manière d’un Anto­nioni (Blow up), Gree­na­way va alors se lan­cer à la recherche de l’essence de son propre tra­vail : le contrôle. Total et défi­ni­tif. Le contrôle des angles, des cadres et des mou­ve­ments. De la caméra, inféo­dée, enchaî­née et res­treinte, limi­tée à quelques dépla­ce­ments aussi géo­mé­triques qu’ascétiques. Même les hommes, para­té­liques comme jamais (tou­jours Anto­nioni), seront comme rava­lés au simple rang d’objets scé­niques, inté­grés dans un dis­po­si­tif de mise en scène par­fai­te­ment sou­ve­rain (jamais l’objectif ne sui­vra un per­son­nage sor­tant du champ). A cette aune, on verra d’un tout autre oeil la scène du bas­cu­le­ment, du revi­re­ment où les deux femmes jusqu’ici assu­jet­ties aux volon­tés du peintre, sortent de l’écran vers la caméra et prennent pour la pre­mière fois le contrôle des débats. Et donc de la mise en scène.

L’envi­ron­ne­ment maî­trisé, Gree­na­way peut alors se lais­ser aller, tel le peintre, à son pen­chant pour les cadres et leur mul­ti­pli­ca­tion, leur frag­men­ta­tion, habiles split-screen qui n’en sont pas. Libéré des contraintes de l’ingérable, il va fina­le­ment pen­ser, voir, des­si­ner chaque plan comme son double à l’écran le ferait. Et Meurtre dans un jar­din anglais de fusion­ner avec son sujet, forme et fond en par­faite adéquation.

Cohé­rence artis­tique

Avec ZOO (1985), Gree­na­way pour­sui­vra ce type de com­po­si­tions extrêmes, pous­sant l’expérimentation visuelle dans ses der­niers retran­che­ments. On retrou­vera notam­ment là cette même forme de vir­tuo­sité dans la construc­tion du plan, ce sens esthé­tique à nul autre pareil, garant du cachet, de la touche Gree­na­way. Et le plan fixe de cette pomme, fil­mée en accé­léré jusqu’à la putré­fac­tion, pous­sée presque à l’autodestruction, témoigne là encore de l’emprise totale de l’homme sur son objet fil­mique. Quant à l’humanité et son essence, inter­ro­gées à de nom­breuses reprises durant le film, elles appa­raissent comme les rési­dus d’une évo­lu­tion, comme les des­cen­dants com­plexi­fiés de cette pomme pou­ris­sante. Pour Gree­na­way, l’Humain semble sujet de l’Art. Aux deux sens du terme. Il l’utilise en tant que sup­port, au même titre qu’un che­va­let, une toile ou une table (The Pillow Book le prou­vera de la plus belle des manières). La froi­deur qui se dégage de ce choix n’a d’égal que sa géniale cohé­rence. La nature, la terre, les objets, les ani­maux, les Hommes… Gree­na­way plie tout à sa volonté. Pire, il semble consi­dé­rer ce tout comme un ensemble pic­tu­ral et vivant indis­so­ciable, cha­cune de ses par­ties n’étant qu’une ren­gaine, qu’une reprise légè­re­ment modi­fiée de ce qui l’a précédée.

Et Gree­na­way n’hésite pas le rap­pe­ler qui répéte les mêmes motifs visuels et sonores (la musique, fon­da­men­tale chez lui, sert de condi­tion­ne­ment), et ce jusqu’à l’écoeurement sen­so­riel. Son secret ? Avoir su débus­quer un monde aussi hor­rible que par­fait. A nous de contem­pler sa ter­ri­fiante beauté.

En terme de qua­lité, le DVD rend par­fai­te­ment hon­neur au magni­fique tra­vail visuel et sonore effec­tué par Gree­na­way. Ces aspects étant fon­da­men­taux dans son oeuvre, le DVD est donc incon­tour­nable pour décou­vrir cet inquié­tant for­ma­liste dans toute sa splen­deur. Ce cof­fret MK2 comble de fait un vrai manque et rend ainsi toute sa splen­deur ori­gi­nelle au tra­vail de cet auteur.

Julien Aba­die

 

Cof­fret Peter Gree­na­way 4 DVD : Meurtre dans un jar­din anglais / ZOO / The Early Films Part 1 / The Early Films Part 2

 

Avec : Andréa Fer­réol, Brian Dea­con, Eric Dea­con, Anthony Hig­gins, Janet Suz­man, Anne-Louise Lam­bert Réa­li­sa­teur : Peter Gree­na­way / • Date de paru­tion : 14 jan­vier 2004 • Édi­teur : mk2 Pré­sen­ta­tion : Cof­fret Prix 71, 58 € / For­mat image : Ciné­ma­scope — 1.85:1 Full Screen (Stan­dard) — 1.33:1 / Zone et for­mats son : Zone : Zone 2 Langues et for­mats sonores : Anglais (Dolby Digi­tal 2.0 Mono) Sous-titres : Français

 

Bonus : • Les pré­faces de Peter Gree­na­way • Les films com­men­tés par Peter Gree­na­way • Les scènes cou­pées • Les cou­lisses des films • La res­tau­ra­tion des films • La gale­rie de tableaux réa­li­sés par Peter Gree­na­way • La gale­rie d’archives des réa­li­sa­tions de Peter Gree­na­way • Et plus encore…

 

Leave a Comment

Filed under DVD / Cinéma, Non classé

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>