Maurice Tilleux & Will, Tif et Tondu — L’ombre sans corps (1969)

Une belle édi­tion pour un beau récit

Tif et Tondu, pour se remette de leur der­nière aven­ture, s’offrent des vacances en Écosse. Atter­ris­sant à Londres, ils décident d’aller saluer leur vieil ami l’inspecteur Fic­shus­set de Scot­land Yard. Pen­dant qu’ils sont en route, la porte de la bou­tique d’un empailleur s’ouvre et se referme seule. Un poli­ce­man voit une Mini démar­rer sans per­sonne au volant… Et cette entité invi­sible sème le trouble dans les rues, jouant avec le bal­lon d’enfants, ouvrant et fer­mant une cabine télé­pho­nique sous le regard ébahi d’un poli­cier en patrouille.
Après avoir dîné, Tif, Tondu et leur ami sont agres­sés par une force invi­sible qui balance l’inspecteur contre le mur et Tif dans une armoire. Tondu sort, ne voit rien. Il uti­lise la voi­ture de l’inspecteur pour éclai­rer les lieux et découvre, se décou­pant en ombre chi­noise sur un pan­neau publi­ci­taire, la sil­houette d’un grand singe, ombre qui monte dans la Mini et s’en va.
À l’issue d’une pour­suite mou­ve­men­tée mais non cou­ron­née de suc­cès, Tondu revient. Sur le mur du salon, tra­cée avec un mor­ceau de char­bon, une menace de mort signée de John Full­shoke. Or, ce cri­mi­nel a été abattu il y a un mois par l’inspecteur lui-même. Il y a matière alors à ani­mer les deux héros…

Pour cet album, Mau­rice Rosy, le scé­na­riste des aven­tures pré­cé­dentes, depuis douze albums, passe le relais à Mau­rice Tilleux qui va s’engager sur un autre registre. Si Rosy appré­ciait les aven­tures oni­riques, sur­réa­listes, la fan­tai­sie pure, ce n’est pas le cas de Tilleux qui pré­fère explo­rer des thèmes cen­trés sur le mys­tère, l’enquête poli­cière, l’aventure. Il aban­donne le per­son­nage de Mr Choc, trou­vant que son uti­li­sa­tion sys­té­ma­tique est pré­ju­di­ciable à la série.
À cette époque, Mau­rice Tillieux fait par­tie des vedettes de Dupuis. Il a créé la série des Gil Jour­dan en 1956, assure celle de Félix

On retrouve ce qui fait tout le charme des enquêtes de Gil Jour­dan, à savoir l’humour, un humour potache avec les jeux de mots, un humour décalé de situa­tions et dans le choix des patro­nymes. Il donne une dyna­mique cer­taine à ses récits, sachant entre­te­nir l’attention du lec­teur. Cette aven­ture mêle adroi­te­ment sus­pense hit­ch­co­ckien et atmo­sphère de série B anglaise.
Le jeu de mots sur le nom de l’inspecteur pou­vait encore avoir une valeur en 1969. Mais on peut dou­ter aujourd’hui que le public des moins de cin­quante ans sache ce qu’était un fixe-chaussette.

Will conti­nue à des­si­ner déployant tout son savoir-faire, assu­rant un gra­phisme de qua­lité, avec un tra­vail sur des angles de vues tou­jours variés, avec un large éven­tail des décors. Le choix de Londres par le scé­na­riste a obligé Will à tra­vailler sa docu­men­ta­tion. Mais, pour toutes les scènes dans les anciens docks, Mau­rice Tilleux qui s’était rendu dans la capi­tale du Royaume-Uni pour son his­toire avait ramené des cro­quis, des pho­to­gra­phies.
Bien que la cen­sure, pour la lit­té­ra­ture jeu­nesse, soit encore très active, Will s’autorise le des­sin d’une jolie per­sonne à la sil­houette ave­nante. Elle pré­fi­gure une héroïne à venir.

La pré­sen­ta­tion de cette aven­ture sous le label Niffle, cette entre­prise d’éditions de haute qua­lité diri­gée par Fré­dé­ric Niffle, rache­tée par Dupuis en 2011 et réac­ti­vée en 2014, est par­ti­cu­liè­re­ment soi­gnée. Le noir et blanc sou­ligne le talent de Will. Le gram­mage, la qua­lité du papier offrent un tou­cher fort plai­sant. Chaque demi-planche fait l’objet d’un com­men­taire de Hugues Dayez qui, en quelques cinq ou six lignes, donne des pré­ci­sions pré­cieuses sur le contexte, sur la concep­tion du scé­na­rio, sur la réa­li­sa­tion des pages, sur les ins­pi­ra­tions des auteurs, fait le paral­lèle avec d’autres séries.
C’est pas­sion­nant et éclaire dou­ble­ment la lecture.

Un magni­fique ouvrage pour la redé­cou­verte d’un album de tran­si­tion dans la série des aven­tures de Tif et Tondu.

serge per­raud

Mau­rice Tilleux (scé­na­rio) & Will (des­sin), Tif et TonduL’ombre sans corps (1969), Dupuis/Niffle, coll. “50/60″, jan­vier 2020, 96 p. – 25,00 €.

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