Jacques Monory à la Fondation Maeght

Jacques Monory et la pla­nète des singes

A par­tir de pho­tos en noir/blanc qu’il créa lui-même ou qu’il découpa dans le presse, Jacques Monory a construit des images de vio­lence urbaine ou non, jusqu’à son auto­por­trait en rose et bleu sous la fac­ture d’un singe. Ce qui pour l’artiste (au-delà de la déri­sion) sym­bo­lise son désir de s’approprier le monde par mimé­tisme tout en impli­quant une sorte d’avertissement, de clin d’œil com­plice au spec­ta­teur.
Monory lui rap­pelle de ne pas se lais­ser prendre au piège de l’apparence trom­peuse de ses tableaux où l’insignifiante dou­ce­reuse côtoie l’hyper vio­lence propre aux thril­lers hollywoodiens.

L’artiste montre aux singes que nous sommes et qui se veulent savants com­ment ses récits et fic­tions racontent des his­toires mêlant à des élé­ments auto­bio­gra­phiques, à des obses­sions per­son­nelles, des emprunts à l’actualité tra­gique ou à la bana­lité quo­ti­dienne.
Pro­cé­dant par mon­tages d’images, par séquences ou épi­sodes un peu à la manière des romans pho­tos, le plas­ti­cien se rat­tache aussi bien à la “Figu­ra­tion nar­ra­tive” dont il est consi­déré comme un des maîtres qu’à l’hyperréalisme mais aussi du pop-art façon Arroyo, Erró ou Rosenquist.

Pour Monory, le « besoin d’Amérique » est constant pour sa pein­ture. C’est à la fois un pays ou un mythe qu’il cultive pour ses pay­sages, ses grandes éten­dues déser­tiques, le culte presque enfan­tin des objets (voi­tures, revol­vers, cha­peaux), le mélange de sté­réo­types presque fades.  Le créa­teur les reprend avec  vio­lence et roman­tisme qui se détachent sur un arrière-fond de roman noir.
Et ce, dès sa série « Meurtres » chez Maeght en 1968 où il mit en scène son propre assas­si­nat dans une atmo­sphère froide et bleue. L’artiste, par son bleu de songe et de dis­tance, invite le spec­ta­teur à « se racon­ter » à tra­vers ses tableaux , à y gref­fer ses propres fan­tasmes puisqu’ils fonc­tionnent comme des grands réci­pients à soupe com­mune et popu­laire d’images. C’est pour­quoi l’artiste ne cherche jamais la com­plexité mais l’extrême simplicité.

Rappe­lons tou­te­fois que, chez lui, la plus simple image n’est jamais simple. Il existe sou­vent des croi­se­ments d’une image enra­gée et d’une image céleste. Comme si le ciel tra­ver­sait tou­jours l’organique le plus cru. En ce sens, il est bien ce “Pré-Voyant” dont par­lait Alain Jouf­froy  au sujet dès ses pre­mières toiles.
Dans notre pla­nète de singes, Monory vou­lut créer comme il l’écrivit « un rap­port au monde tendu dans un silence cin­glant pour ten­ter de sau­ve­gar­der le désir; le désir de tout – le désir de peindre comme le désir de vivre. Le désir d’outrepasser la bâtar­dise post­mo­derne pour ne plus connaître que l’hyper sen­si­bi­lité et l’hyper moder­nité ». Il a réussi son pari et cette rétros­pec­tive le prouve.

jean-paul gavard-perret

Jacques Monory, Fon­da­tion Maeght, 623 Che­min des Gar­dettes, 06570 Saint-Paul-de-Vence, du 28 mars au 14 juin 2020.

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