Mêlant ésotérisme, faits et personnages historiques, arcanes alchimistes et quelques notions philosophiques, Alejandro Jodorowsky élabore une saga peu commune.
Après avoir fait intervenir Louis XVII et l’énigme du Temple, la couronne de Marie-Antoinette d’Autriche, Napoléon Bonaparte emprisonné par le sortilège d’un baiser qu’il ne peut oublier, il met en scène Jack l’Éventreur.
En 1888, à Londres, les compagnes d’une prostituée la mettent en garde contre l’éventreur en la voyant sortir. Elle les rassure, elle rejoint une cliente. On retrouve son cadavre éventré, sans ovaires.
Dans les Pyrénées espagnoles, les Chevaliers d’Héliopolis ont pu réaliser l’huile pure. Une seule goutte assure mille ans de vie. Asiamar, âgé de cent-dix ans, veut accomplir le rituel de Citrinitas et avaler une goutte. Rajeuni, il va entendre de la bouche de Fuxi, leur maître, le secret des origines de la Fraternité. Mais il est scandalisé par ce qu’on lui révèle.
Cependant, le maître réussit à le calmer, le rassurer et à lui faire accepter une dernière mission pour pouvoir sauver la race humaine de son autodestruction. Il est le seul, parmi les Chevaliers à pouvoir mener à bien cette responsabilité grâce à sa moitié féminine. Il doit aller à Londres et…
Bien que son héros, le fils de Louis XVI et de Marie-Antoinette, soit androgyne, le scénariste semble avoir bien des réserves vis-à-vis du beau sexe. C’est Napoléon qui, frustré, décide de laisser tomber la conquête des femmes pour se tourner vers celle du monde où il n’aura pas, cependant, plus de réussite durable. C’est le maître qui explique que, d’où il vient, il ne faut pas avoir de rapports sexuels pour garder une quasi immortalité .
Ses frères ont cédé au désir et à force de forniquer avec des femmes… Toutefois, il fait remarquer que le monde est condamné sans les femmes.
Avec une belle imagination, il s’approprie des données historiques, des éléments de fiction qu’il conçoit et en propose des prolongements exceptionnels empreints de mysticisme. Il revient sur l’amour, le grand, le vrai, sur la nature humaine, sur les possibilités de l’esprit et des corps. Il évoque la préservation de la race humaine certes, mais aussi et surtout celle de son environnement, faisant comprendre que la survie de l’une dépend de la bonne santé de l’autre.
Il livre une vision assez extraordinaire de Jack l’Éventreur pour un fantastique récit où chaque pièce du puzzle trouve sa place sans problème.
Jérémy assure un dessin réaliste d’une belle puissance et d’une réelle élégance tant dans les nombreuses scènes d’action que dans des séquences plus intimistes. Il propose des perspectives audacieuses et signe des décors fastueux comme le Tower Bridge en construction. Cette dernière, qui a duré huit ans, a débuté en 1886. Il soigne particulièrement ses personnages, leur gestuelle et leur expressivité. Il les dote, pour ce faire de regards éloquents.
Cette éloquence est magnifiée par la mise en couleurs de Felideus, qui fait naître des atmosphères séquençant à merveille les différentes étapes de l’intrigue.
Ce quatrième tome clôt une série insolite, étonnante avec une conclusion en apothéose et, toutefois, une touche d’espoir.
serge perraud
Alejandro Jodorowsky (scénario), Jérémy (dessin), Felideus (couleurs), Les Chevaliers d Héliopolis – t.04 : Citrinitas, l’œuvre au jaune, Glénat, coll. “24x32”, janvier 2020, 56 p. – 14,50 €.