Jean d’Aillon, Les chroniques d’Edward Holmes et Gower Watson — La maison de l’abbaye

Aussi pers­pi­cace que son loin­tain descendant !

Deux jours après la Saint-Martin de l’an de peine 1424, Gower est épou­vanté en voyant, dans la chambre d’Holmes, ce der­nier bran­dir un cou­te­las san­gui­nolent. Autour de lui du sang séché et tout un assor­ti­ment de cou­teaux et d’épées. Il le ras­sure et explique qu’il mène une expé­rience. C’est un tueur de pour­ceaux de la Grande Bou­che­rie qui demande à Holmes d’intervenir pour Tho­mas Raou­lin, un de ses col­lègues, accusé du meurtre d’un cha­noine de Saint-Magloire.
Parce qu’il avait eu gain de cause dans un pro­cès qui l’opposait à l’abbaye, il a rendu visite, ven­dredi der­nier au pré­vôt. Dans la bâtisse, il ren­contre Jehan Mar­let, un cha­noine avec qui il a un dif­fé­rend. Dis­putes et menaces : “Je t’étriperai comme un cochon” voci­fère Raou­lin en bran­dis­sant son bade­laire. Le len­de­main, ne voyant pas Mar­let, le pré­vôt qui a droit de haute jus­tice se rend chez lui et le trouve assas­siné. Fort de l’esclandre de la veille, il per­qui­si­tionne chez Raou­lin où il trouve un bade­laire avec du sang séché.
Ce qui inter­pelle Holmes dans cette affaire est le fait que la porte du cha­noine était ver­rouillée. L’assassin, qui l’avait fermé der­rière lui, avait une clé… Alors qu’il s’apprête à aller enquê­ter sur le reli­gieux assas­siné, le comte de Suf­folk le fait convo­quer sans retard. Ce der­nier l’accueille en com­pa­gnie de la com­tesse de Salis­bury et d’Alice Chan­cer. Cha­cune a perdu une dame de com­pa­gnie. Par­ties por­ter des mes­sages, elles ne sont jamais revenues…

L’intrigue s’inscrit dans une belle série de rela­tions pseudo-amicales, dic­tées par des ambi­tions entre des hommes arri­vés au pou­voir par leur nais­sance. Ces rela­tions cor­rom­pues par les haines cuites et recuites, les rejets d’alliance, les appé­tits ter­ri­to­riaux, la volonté de puis­sance, sont sources inta­ris­sables de com­plots, de tra­hi­sons. Ainsi, Suf­folk et Salis­bury, de vieux “amis”, haïssent Phi­lippe le Bon, le duc de Bour­gogne. Ils s’opposent à la poli­tique d’alliance que le Régent de France, le duc de Bed­ford, frère du roi Henri V, mène auprès des Bour­gui­gnons.
Pour convaincre Holmes de ren­trer dans ce nid de vipères et enquê­ter sur ces dis­pa­ri­tions, le comte de Suf­folk lui offre une loupe, ins­tru­ment dont Holmes a lu la des­crip­tion dans un texte de Roger Bacon et fabri­qué dans les ate­liers de ce der­nier en Hollande.

Jean d’Aillon com­plète peu à peu les paral­lèles avec Sher­lock, celui-ci uti­li­sant volon­tiers pour la recherche des minus­cules indices une loupe. On retrouve éga­le­ment Gré­goire Les­trade qui n’est plus ins­pec­teur mais porte le titre de com­mis­saire. Il est décrit comme ayant un esprit lourd, capable de s’engager dans de mau­vais juge­ments.
Le roman­cier met en scène la petite fille du poète Geof­frey Chau­cer, l’auteur des Contes de Can­ter­bury, une série de vingt-quatre his­toires publiées au XIVe siècle. Il s’inspire de la trame de cer­tains de ces récits pour intro­duire des élé­ments d’intrigue.

Le roman­cier pro­pose des termes qui fleurent bon l’époque tout en étant par­fai­te­ment com­pré­hen­sible aujourd’hui. Pour ceux qui ne sont plus employés depuis long­temps ou dont le sens a bien dérivé, il livre l’explication en bas de page. Il fait éga­le­ment de même pour les lieux que fré­quentent, que visitent, Holmes et Wat­son, s’attachant à don­ner les appel­la­tions de l’époque sur les rues, les palais…
Il décrit aussi la triste réa­lité, la pau­vreté, la faim, le froid dont souffrent les Pari­siens. Il fait remar­quer par Holmes que : “Comme en Angle­terre, les abbayes uti­li­saient tous les moyens pour s’enrichir.

Ce sep­tième volet des Chro­niques d’Edward Holmes et Gower Wat­son se révèle pas­sion­nant pour la richesse de la docu­men­ta­tion, l’éclairage his­to­rique et social de cette époque et par son intrigue fort subtile.

serge per­raud

Jean d’Aillon, Les chro­niques d’Edward Holmes et Gower Wat­son — La mai­son de l’abbaye, Édi­tions 10/18, coll. “Grands détec­tives” n° 5504, Jan­vier 2020, 264 p. – 7,50 €.

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