Ce livre est présenté par son éditeur comme le premier roman de l’auteur, lequel met toutefois le lecteur en garde (p. 9, dans l’«avertissement ») que « ce récit ‘fictionnalise’ des faits qui se sont réellement déroulés dans son cabinet de psy. »
Il entreprend donc de relater en intégralité son rendez-vous avec une patiente qu’il ne connaît pas, qui a pris rendez-vous avec lui à 17 heures son dernier jour de travail avant les congés – rendez-vous qu’elle a obtenu de manière fortuite (ou pas ?), car la patiente prévue a annulé « un peu moins d’un quart d’heure avant [son] appel, parce que sa voiture a été vandalisée » (p. 16).
À l’encontre des façons de procéder habituelles du psy, la patiente exige de lui raconter d’une traite son histoire sans être interrompue, ni par des questions, ni par des remarques quelles qu’elles soient, précisant à toutes fins utiles : « Ne vous inquiétez pas. Je n’ai tué personne, je n’ai commis aucun délit, je n’ai rien fait de mal. […] Mais j’ai vraiment besoin que vous compreniez comment je suis devenue prête à tout pour l’homme que j’aime, et ce n’est pas facile pour moi à expliquer, parce que je suis lesbienne. » (p.25)
Et le récit commence, depuis l’enfance malheureuse avec la mort de la mère, le père devenu alcoolique et violent, la fratrie à la dérive, la rencontre avec un camarade de classe providentiel qui la prend sous son aile, la fugue… Pendant ce temps, le psy interdit de parler pense à des choses et d’autres, essaie vaguement de classer et d’analyser sa patiente, n’y parvient guère (ben oui, il est spécialisé dans les thérapies comportementales et cognitives, lui), échange en douce des SMS avec sa fille.
Et en parallèle, quelques chapitres proposent des extraits de ses interventions devant un public sur son sujet de prédilection, colloques auxquels il se plie même s’il avoue préférer « rigoler un bon coup avec les patients ». Ces chapitres intercalés, que l’on devine à visée pédagogique et qui finissent par servir l’intrigue, s’avèrent hélas assez plats, longuets et ennuyeux car les exemples pris et les techniques ou préceptes mises en œuvre pour soigner semblent somme toute plutôt banals, même pour le quidam non averti : « la règle est simple : quand on fait quelque chose et qu’on y gagne, on a tendance à le refaire, quand on y perd, on le refait pas. » (p. 9) Voire limites : « Quand on me dit ‘j’ai perdu ma mère’, j’aime pouvoir répondre ‘et vous l’avez retrouvée ?’ » (p.51). Des tentatives d’être drôle, l’auteur en fait d’autres : « Est-ce qu’elle adhère à l’idée ? Et comment ! Elle adhère comme Sader ça adhère. » Humour de psy sans doute…
Le livre se lit rapidement et sans trop de déplaisir, dans l’ensemble, mais on en vient à bout, lecteur curieux de voir où tout ça va le mener, avec une question : oui, bon, et alors ? Disons pour conclure que la lecture n’est pas désagréable, hormis quelques passages irritants comme ceux cités ci-dessus, mais sans grand intérêt au bout du compte, malgré les retournements de situation finaux.
agathe de lastyns
Stéphane Rusinek, La Patiente de 17 heures, Thierry Marchaisse, janvier 2020, 200 p. – 18,50 €.
Bonjour,
Je trouve votre critique très sévère concernant ce livre. Certes ce n’est pas un prochain prix Goncourt, mais il se lit avec facilité, permet de passer un bon moment et de comprendre ce qu’est le travail d’un psy. Mais, étant donné les passages que vous critiquez, il est clair que si un psy n’est pas psychanalyste, alors ce n’est pas un vrai psy à vos yeux et que ce qu’il raconte est fade. Oui, il n’y a pas de grandes interprétations freudiennes sur l’enfance de l’héroïne, il n’y a pas de tourments de l’inconscient ou d’oedipe refoulé, et les exemples sont des exemples de gens simples, mais pour une fois qu’un livre parlant de psy ne se base pas sur ces poncifs d’un autre siècle, je pense qu’au contraire il faudrait le mettre en avant. Pour moi, l’histoire est très intéressante, le style est très agréable et l’auteur a pour lui de faire tenir un huis-clos d’une heure dans un livre en le rendant poignant. Il serait préférable de le déconseiller à toute personne ne voulant pas lire autre chose que de la psychanalyse et de le conseiller à toute personne ouverte, qui a envie de lire quelque chose de différent, parce que ce livre est différent de ce que l’on peut lire ailleurs, et les aspects pédagogiques, ne vous en déplaise, sont à mon goût très bien amenés et participe à la narration. En plus, l’air de rien, citer une phrase hors de son contexte pour la critiquer n’est pas très classe, surtout quand on a la place d’autorité. Quand l’auteur nous livre une pensée comme « Est-ce qu’elle adhère à l’idée ? Et comment ! Elle adhère comme Sader ça adhère. », si vous ne précisez pas que le personnage est dans une situation de stress énorme et qu’il montre ainsi que ses pensées ne sont plus cohérentes et qu’il essaie de se concentrer, etc… alors oui, cela paraît être un humour plutôt débile, mais avec ce qu’il y a autour, on comprend, qu’en fait, ce n’est pas du tout un trait d’humour, qu’aucun lecteur n’a même à sourire à ce moment, mais une tentative que fait le personnage pour que ses idées restent claires et concentrées sur la situation qu’il vit. Alors, reprocher des mauvais traits d’humour quand il ne s’agit pas d’humour n’est pas très beau joueur. J’ai eu personnellement affaire à beaucoup de psychanalystes qui vous auraient sans doute bien plus intéressés et ne vous auraient pas irritée, mais qui auraient bien fait de penser plus simplement.