Edouard Husson, Paris-Berlin. La survie de l’Europe

Paris et Ber­lin, côte à côte avant le face-à-face ?

Dans sa rela­tion avec l’Allemagne, la France oscille entre une ger­ma­no­pho­bie vis­cé­rale et une ger­ma­no­phi­lie aveugle. N’y-t-il pas de place pour une ana­lyse rai­son­née des rap­ports franco-allemands, pour un regard sans pas­sion, objec­tif et réa­liste, qui nous per­met­trait de mieux com­prendre notre voi­sin ?
C’est là tout l’enjeu de la pas­sion­nante étude d’Edouard Hus­son. His­to­rien d’une Alle­magne qu’il aime sans la regar­der avec les yeux de Chi­mène, il prend toute la hau­teur que son métier lui per­met pour dénon­cer l’aveuglement des élites fran­çaises et leur ger­ma­no­ma­nia. Anti­bain­vil­lien, Edouard Hus­son voit dans la poli­tique de Fran­çois Mit­ter­rand – héri­tier du grand his­to­rien de l’Action fran­çaise – au moment de la réuni­fi­ca­tion l’origine de bien des maux actuels. Notam­ment celui posé par l’Euro qui est resté au milieu de gué : une mon­naie unique et non com­mune mais sans ce qu’il va de pair avec ce sys­tème, une banque cen­trale unique et un bud­get de la zone moné­taire. Puis ce fut la sou­mis­sion à la vision alle­mande de la sta­bi­lité monétaire.

Dans des pages lumi­neuses, Edouard Hus­son dresse un por­trait affiné d’Angela Mer­kel, cette fille d’un pas­teur passé à l’Est ( !), qui apprit les ver­tus de la dis­si­mi­la­tion dans la société sur­veillée de la RDA, sut conqué­rir le pou­voir avec habi­leté, et imposa à la CDU un virage cen­triste que la droite fran­çaise connaît bien. Mais, indé­cise et soli­taire, elle impose son propre tempo à l’UE, notam­ment dans la crise des migrants de 2015 dont l’auteur sou­ligne l’importance et la gra­vité.
Une chan­ce­lière qui n’éprouva jamais de sen­ti­ments cha­leu­reux pour les pré­si­dents fran­çais qui se pré­ci­pitent à Ber­lin pour y être intro­ni­sés ; et qui tua dans l’œuf le grand pro­jet euro­péiste d’Emmanuel Macron.

Il existe, selon l’auteur, une crise du lea­der­ship alle­mand – et qui s’exprimerait jusqu’au Vati­can avec la renon­cia­tion de Benoît XVI, le pape venu d’Allemagne – inca­pable de gérer les crises qui secouent aujourd’hui le Vieux conti­nent. De plus, il ana­lyse très bien l’affaiblissement que connaît notre voi­sin, avec la fin de l’ère Mer­kel et la frag­men­ta­tion de son pay­sage poli­tique. « Trop puis­sante pour ne pas ins­pi­rer la crainte mais trop faible pour exer­cer un lea­der­ship accep­table ».
Telle est la réa­lité de l’Allemagne. A la France d’en pro­fi­ter, non pas en s’acharnant à la regar­der selon sa propre ima­gi­na­tion mais avec réa­lisme, en s’appuyant sur d’autres pays européens.

A condi­tion bien sûr que l’UE sur­vive sur le long terme au coup ter­rible que va lui por­ter le Brexit. Mais c’est une autre histoire…

fre­de­ric le moal

Edouard Hus­son, Paris-Berlin. La sur­vie de l’Europe, Gal­li­mard, octobre 2019, 404 p. — 22,00 €

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