Régis Jauffret part d’une image (vraie) de son père lorsqu’il sort menotté de chez lui par la Gestapo à Marseille. Cet père sourd et bipolaire n’avait jamais parlé de cette affaire et le texte se termine par un cri d’amour de celui qui ignora son enfant sans pour autant que celui-ci n’en pâtisse.
Là où “la réalité justifie la fiction”, tout reste dans la vie du père d’une tristesse permanente.
Le fils comble le vide paternel par déduction. Est-il salaud ? Est-il le contraire ? Nul ne le saura (même s’il existe des indices pour la seconde postulation lors d’une visite de de Gaule dans l’appartement familial).
Mais le livre est surtout là pour, paradoxalement, enfanter ce père qui a échappé à son fils.
Le tout dans un cheminement passionnant. Le “si peu de père” revient au premier plan au moment où cette “micro-fiction” chère à l’auteur se transforme en une sorte de dialogue sans pathos quoique sentimental. Tout est de fait déjà dit par le titre.
Le mot “Papa” (qui est aussi le presque dernier mot du livre) n’est pas innocent.
Le livre est vraiment celui d’un fils qui cherche un père dont il n’a connu que la “dentelle” avec de l’absence autour. Régis Jeauffret la répare par la pratique de la littérature. Celui qui avait fait le deuil de la figure paternelle en réinvente la présence dans cette étrange “adresse” époumonée par l’usage du tiret.
Il aurait voulu que son père finisse en héros. Il n’en sera rien (ou presque) puisque le récit reste ouvert.
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jean-paul gavard-perret
Régis Jauffret, Papa, Seuil, Paris, 2020, 208 p. — 19,00 €.