Ainsi donc, jusqu’au soir de sa vie, jusqu’au crépuscule d’une existence consacrée à l’Eglise, Benoît XVI aura été au centre des polémiques, la cible des pires attaques venues du monde catholique progressiste. Son crime ? Défendre encore et toujours le credo de l’Eglise, ses traditions, sa discipline.
Avec le synode sur l’Amazonie, le pape François a ouvert le débat sur la possibilité d’ordonner des hommes mariés pour cette seule région certes, mais, à n’en pas douter, la porte serait ainsi ouverte. C’est cette perspective que refusent Benoit XVI et le cardinal Sarah, deux des plus grands esprits que comptent aujourd’hui l’Eglise catholique. Avec ce livre court mais brûlant, écrit « des profondeurs » de leurs cœurs, ils lancent un appel au pontife actuel pour qu’il mette « son veto à tout affaiblissement de la loi du célibat sacerdotal ».
Avec la clarté de son style et la profondeur de son érudition, le pape émérite démontre que le célibat n’est pas une torture imposée par des clercs à d’autres clercs mais trouve ses racines d’une part dans le judaïsme et d’autre part dans le renouvellement de l’Alliance consacrée par la venue, la mort et la résurrection du Christ. En effet, le sacerdoce des prêtres du Temple se transmettait au sein d’un nombre restreint de grandes familles et l’abstinence sexuelle leur était imposée uniquement lors des périodes du culte.
Or, dans le christianisme, la prêtrise est une vocation ouverte à tous, et le prêtre, célébrant in persona christi, est au contact quotidien avec le sacré. Enfin, le prêtre catholique choisit de tout abandonner, de renoncer aux choses de ce monde pour Dieu. Il est au service total de Dieu et des fidèles qui lui sont confiés.
Quant au cardinal Sarah, dans sa contribution à la fois ferme et émouvante, il met en garde contre trois conséquences dramatiques qu’entraînerait une telle rupture dans la tradition de l’Eglise. D’abord, ce serait une catastrophe pastorale majeure qui priverait de jeunes Eglises, en cours d’évangélisation, « de cette expérience de la présence et de la visite du Christ livré et donné en la personne du prêtre célibataire ». Ensuite elle provoquerait une confusion ecclésiologique. Car le prêtre est déjà marié ! Avec l’Eglise !
Or, celle-ci n’étant pas une institution humaine, on ne peut trouver une solution « technique » à la crise de la foi catholique qui restreint le nombre des vocations. Enfin, elle favoriserait un obscurcissement de la compréhension de ce qu’est le sacerdoce. Le prêtre est le Christ. Son célibat est un don qui l’unit à Dieu par l’Eucharistie.
Ce célibat – que les progressistes nichés au Vatican et dans les épiscopats occidentaux repus et blasés voudraient abolir, exprimant ainsi un mépris pour les peuples en voie d’évangélisation et les futurs appelés à la prêtrise – constitue pour notre temps un scandale. Tout comme la Croix. Et c’est là sans doute l’apport majeur de ce livre-appel : démontrer que ce célibat entre en cohérence absolue avec la foi de l’Eglise.
Sa suppression, voulue par les non-catholiques et les catholiques affadis et protestantisés, constituerait une étape cruciale dans la fusion de l’Eglise et du monde. C’est la raison pour laquelle elle est refusée par les prêtres eux-mêmes.
Le nouveau déchaînement médiatique contre Benoît XVI illustre la violence des passions au sein de l’Eglise, la petitesse des intrigues curiales, mais aussi la haine que suscite ce pape qui, du fond de sa retraite, doit peut-être songer aux Impropères de la liturgie du Vendredi saint : « Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? ».
frederic le moal
Benoît XVI, Cardinal Robert Sarah, Des profondeurs de nos cœurs, Fayard, janvier 2020, 172 p. — 18,00 €.