Anamorphoses poétiques inédites
L’œuvre de Jacques Réda est une résistance à tous les enfermements et les captures. Descendant de Borée et de son souffle, il ne cesse d’ouvrir les champs des possibles dans un esprit toujours agile, souple et empreint d’humour.
“D’Homère à Ellington, de Dante à Valéry, une force primaire, vent ou Titan, souffle sur cette langue sur le point de se dissoudre”.
Pour autant, Réda ne se prend par pour un démiurge, il taquine la rime avec fantaisie au nom d’une scansion que le vers segmente et anime : “C’est le rythme qui tout anime, / L’inerte comme le vivant / Mais, dans l’univers unanime, / Pouvait imposer au langage / La justesse de son tangage / Avec le vers qui va, qui vient”.
Il permet ainsi de contenir autant l’homme que le monde.
Les variations poétiques telles que Réda les pratique transforment les vanités classiques de la versification en monstres opérationnels. Des rimes coulent des pampres et ceux-là deviennent des cornes d’abondance.
S’y traduit le mélange des genres au sein de morceaux décomposés, renoués, tordus, enchevêtrés qui, dans le droit fil des grands modèles des inventeurs, créent des anamorphoses poétiques inédites.
Réda réinvente à sa main des hauts lieux de l’imaginaire. Il perce le réel tout en déployant ludiquement l’effacement de tout but didactique. L’art se réinvente par les harnachements de la rime.
La puissance poétique fascinante devient rébus et fantaisie selon une ironie et une virtuosité exceptionnelle là où tout reste en vibration, commotion, chocs, braises et brandons magiques dans l’éclat dans la page et contre l’obscur du blanc pour sa scarification et la dissolution de tout un logos.
jean-paul gavard-perret
Jacques Réda, Le testament de Borée, éditions Fata Morgana, Fontfroide Le Haut, 2020, 96 p. — 14,00 €.