Hub, Le Serpent et la Lance — acte.01 : “Ombre-Montagne”

Une longue introduction…

Hub, avec Okko, s’est atta­ché à racon­ter, de belle manière, un Japon médié­val au fil de dix albums parus entre jan­vier 2005 et octobre 2015. Il ne sou­hai­tait pas conti­nuer cette série, ayant selon lui, exprimé tout ce qu’il avait à dire sur le sujet. Il vou­lait, après une décen­nie, refer­mer cette saga nip­pone au moins tem­po­rai­re­ment.
Des lec­tures de jeu­nesse sur la civi­li­sa­tion aztèque l’avaient enthou­siasmé. Pour­quoi pas, alors, renouer avec cet engoue­ment et la ré-explorer avant la conquête espagnole.

Le récit com­mence en 1454 alors que le royaume aztèque souffre de famine après deux années de ter­ribles séche­resses. Les sacri­fices humains se suc­cèdent. Le sang– l’eau pré­cieuse — coule à flots. Dans la cité de Tenoch­tit­lan, trois gar­çons naissent, de couches sociales dif­fé­rentes. L’un n’a pas de bras et son père, outré, le nomme Ser­pent en le lâchant sur le sol. Un autre arrive dans la famille d’un guer­rier tout fier d’avoir un fils qui devien­dra lui aussi un com­bat­tant. Le troi­sième sur­vient dans une mau­vaise période calen­daire et le pré­nom choisi, Œil-Lance, doit contre­car­rer la malé­dic­tion.
Quelques années plus tard, une jeune ado­les­cente dis­pa­raît, presque sous les yeux de sa mère, dans le champ de maïs où elles tra­vaillent. Des enfants découvrent une étrange momie accro­chée à un cac­tus. Un vieil homme se fait rabrouer par une femme. Il ne veut pas lais­ser de mes­sage mais sou­haite qu’Œil-Lance revienne vite. Dans son palais de vice-roi et conseiller de l’empereur où on lui pré­sente une troi­sième momie, le sei­gneur Tla­cae­lel ne vou­drait pas que ces meurtres entachent le bon dérou­le­ment de l’inauguration du nou­veau grand temple. Les plus impor­tants digni­taires de l’empire seront pré­sents. Mais il craint aussi que le peuple s’effraye et n’accepte pas qu’aucune action forte soit menée pour faire ces­ser ces crimes. Il recom­mande le secret absolu sur cette sombre affaire et confie l’enquête à Ser­pent, un offi­cier de jus­tice aux méthodes efficaces.

En sor­tant de cette réunion, Cozatl est son­geur. On lui parle de simi­li­tudes avec cer­taines pra­tiques rituelles des ado­ra­teurs de Tla­loc, dont il est le grand prêtre. Si Ser­pent lance ses sbires pour récu­pé­rer toutes les momies et faire taire les témoi­gnages, Cozalt envoie des hommes pour trou­ver et rame­ner Œil-Lance… Mais ce der­nier n’a pas vrai­ment envie de reve­nir, trop de mau­vais sou­ve­nirs s’attachent à la cité. Pour­tant il faut faire vite car….

L’intrigue a bien du mal à décol­ler avec la mul­ti­tude des flash-backs et les longues scènes rela­tives à l’enfance des trois héros, leur nais­sance, leur ren­contre, leur ser­ment et leurs ini­mi­tiés. Ce n’est pas inin­té­res­sant car Hub, avec son talent de nar­ra­teur, sait main­te­nir une cer­taine ten­sion. Il expose l’organisation sco­laire, décrit divers élèves et leur pas­sion ou leur passe-temps. Puis c’est la recherche des momies, du héros, son exis­tence de com­mer­çant, son refus de reve­nir jusqu’au moment où…
Son des­sin est somp­tueux avec une foul­ti­tude de détails et nombre de gros plans des per­son­nages don­nant ainsi une belle vision de leurs sen­ti­ments, des émo­tions res­sen­ties. Il réa­lise quelques plans pano­ra­miques d’une belle élégance.

La mise en cou­leurs inter­pelle. Si la volonté était de vou­loir res­ti­tuer l’atmosphère qui régnait dans les inté­rieurs où la lumi­no­sité était faible, c’est une totale réus­site ! Le revers, avec ces cases sombres, très sombres par­fois, est la dif­fi­culté à iden­ti­fier les per­son­nages, suivre les actions, d’autant que le récit passe d’un indi­vidu à l’autre, d’un lieu à l’autre très rapi­de­ment et sans indi­ca­tions. Il faut scru­ter les détails, les vête­ments, les acces­soires, les coif­fures pour savoir à qui on a à faire. En revanche, pour les scènes en exté­rieur, la richesse et l’éclat des cou­leurs enchantent l’œil.
Un pre­mier volume intro­duc­tif qui per­met de décou­vrir une civi­li­sa­tion peu connue. Le choix du scé­na­riste est judi­cieux, bra­quer le pro­jec­teur sur une civi­li­sa­tion dis­pa­rue, englou­tie sous la catho-espagnolisation qui s’est dérou­lée soixante ans plus tard, ce désastre huma­ni­taire et culturel.

serge per­raud

Hub (scé­na­rio et des­sin), Emma­nuel Micha­lak (aide au story-board), Li (cou­leurs), Le Ser­pent et la Lance — acte.01 : Ombre-Montagne, Del­court, coll. “Terres de légendes”, novembre 2019, 184 p. – 24,95 €.

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