Tourné en noir et blanc, voici, de la dépression économique à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la curieuse histoire d’un homme qui s’identifie à tous ceux qu’il côtoie. D’apparence quelconque, Leonard Zelig est un homme pour lequel se passionne bientôt l’Amérique des années vingt : ce petit homme banal entre tous a en effet tendance, de manière inexplicable, à se transformer en l’image des êtres qu’il rencontre.
Qu’il s’agisse d’un obèse ou d’individus aux propriétés ethniques fortes, Zelig les adopte aussitôt, comme malgré lui.
Si idéalement le pouvoir biologico-chimique de transformation de Zelig paraît des plus agréables et singuliers, il n’en entraîne pas moins pour le malheureux héros une longue suite de problèmes, relationnels, comportementaux et sociétaux. La métamorphose de Zelig présuppose de fait dans la plupart des cas une crise, faisant office de témoin du passage de l’état “normal” à celui d’ “identité autre”.
Les plus grands spécialistes se succèdent pour observer ce phénomène, jusqu’à ce que la belle doctoresse Eudora Fletcher (Mia Farrow) décide de se pencher sur son cas. Soustrayant ce providentiel patient aux autres médecins, elle traite Zelig par l’hypnose, ce qui amène l’homme caméléon à faire état sous l’effet du traitement de ses problèmes d’enfance, d’identité juive, et à énoncer ce qui sous-tend dans sa mue altruiste perpétuelle une recherche inconsciente de la reconnaissance de son alter ego : “je veux être aimé”.
Malgré la dimension incontestablement plaisante et loufoque des aventures de cet homme-caméléon des années 20 et 30 aux USA, ce film-clef de Woody Allen est à tort méconnu et souvent estimé par la critique surtout pour son savoir-faire technique (soit l’insertion dans des vrais documents de l’époque du personnage de Zélig incarné par Allen). Réalisé entre Comédie érotique d’une nuit d’été (1982) et Broadway Danny Rose — autrement dit la vague historique “années 30″ des films de Allen, à quoi l’on peut ajouter Radio days, La rose pourpre du Caire, Coup de feu sur broadway et Ombre et brouillard , Zelig (1983), tourné en noir et blanc, constitue il est vrai une véritable prouesse technique : replacer, longtemps avant la science des effets spéciaux d’un Forrest Gump de Robert Zemeckis, (1994), un personnage de fiction dans des bandes d’actualités authentiques de l’époque alors que les pellicules noir et blanc contemporaines ont une tonalité différente (elles contiennent moins de sels d’argent que celles d’autrefois), n’était pas un mince exploit.
Et chacun a pu souligner la maestria de Gordon Willis, lequel a réussi à donner au film une patine ad hoc, en jouant des petits points blancs, des rayures, du léger floconnage qui accompagnent d’habitude les bobines des documents d’époque invariablement altérées, soit par leurs conditions de conservation soit par le temps lui-même — ce qui d’ailleurs est aussi l’une de principales raisons de l’estime que les amateurs leur portent.
Reste par ailleurs la vraie question, de savoir qui est au juste Léonard Zelig : un monstre, un fou, un aliéné ?
Et un grand regret : L’absence totale de bonus de ce titre au sein du 3ème volume de la collection Woody Allen
frederic grolleau
Zélig — coffret Woody Allen 1 DVD
Drame de Woody Allen (USA,1983) 1h20 Avec : Woody Allen Mia Farrow, Stephanie Farrow, Will Holt… Bonus : Bandes annonces Format : 16/9e compatible 4/3 Son : mono Sous-titres :Français, Anglais, Allemand, Italien, Espagnol, Hollandais, Portugais, Grec Simple face Double couche editeur : Fox Pathé Europa Zone 2