Pascal Vatinel, Le chant des galahs

Un décor peu com­mun pour une magni­fique enquête 

Les hasards de la pro­gram­ma­tion édi­to­riale font par­fois bien les choses. C’est le cas avec le roman de Pas­cal Vati­nel qui a pour décor le cœur de l’Australie où le roman­cier a placé une intrigue qui n’est pas sans rap­ports avec la situa­tion que vit le conti­nent ces der­niers mois.

Les parents d’Archie se sont sui­ci­dés, dans leur ferme, alors qu’il avait dix-sept ans. Ils devaient rendre la terre aux abo­ri­gènes. Il est entré à l’Académie de police, s’est spé­cia­lisé au sein de l’École de détec­tives. Ce lundi de novembre 2018, il rejoint le Bureau des per­sonnes dis­pa­rues à Perth pour prendre son poste. Sa pre­mière mis­sion consiste à aller prê­ter main-forte à Laver­ton où le shé­rif abo­ri­gène a signalé une dis­pa­ri­tion.
Max Mil­ler, un Anglais, n’a qu’une pas­sion : tenir le volant d’une puis­sante cylin­drée. Il exulte dans son 4x4 Mer­cedes de quatre tonnes. Il fait équipe avec trois autres pour assu­rer la pro­tec­tion d’un groupe de scien­ti­fiques qui œuvrent pour l’environnement. Sou­dain, une lance casse une vitre. Ils pour­suivent les abo­ri­gènes auteurs du fait et ils les tuent. Le jeune Win­mati, caché plus loin, est témoin du drame. Mais il se fait mordre par un mulga, un ser­pent au venin mor­tel.
À Kal­goor­lie, Archie est accueilli cha­leu­reu­se­ment par Mac Boyd le sergent-chef. Celui-ci l’informe que la per­sonne dis­pa­rue est Suzina Hogan, vice-présidente d’un Conseil abo­ri­gène. Mais, comme cela fait dix jours, cette enquête ne doit être qu’une pure for­ma­lité. À Laver­ton, le chef de poste se montre hos­tile et le shé­rif abo­ri­gène qui a signalé la dis­pa­ri­tion, reste très dis­cret. Déso­rienté, Archie cherche des témoi­gnages, veut enquê­ter. C’est sur un rond-point qu’il est témoin d’une vio­lente alter­ca­tion. En tant que poli­cier il veut inter­ve­nir et reçoit une for­mi­dable raclée qui le laisse incons­cient. En se réveillant à l’hôpital, il apprend que c’est Bar­bara Guthrie, la conduc­trice du véhi­cule agressé, qui l’a amené. Il la ren­contre pour la remer­cier. Elle est char­gée de pro­mou­voir la culture abo­ri­gène et lui révèle les tenants et abou­tis­sants d’une situa­tion très pré­oc­cu­pante.
Archie, lâché par sa hié­rar­chie qui ne veut pas faire de vagues, peut-il aller au bout et confondre les cri­mi­nels qui sévissent dans la région…

C’est la grande région de Perth, dans l’Australie occi­den­tale, que Pas­cal Vati­nel a rete­nue comme décor de son nou­veau roman. Il livre des chiffres qui donnent le tour­nis. Ainsi, le bureau où son héros est muté gère une zone de deux mil­lions six cents mille kilo­mètres car­rés (presque la moi­tié de la France métro­po­li­taine !). Si la popu­la­tion de cette zone est de deux mil­lions trois cents mille habi­tants, seuls trois cents mille n’habitent pas l’agglomération de Perth.
Avec Archi­bald Andraas­dan, d’origine écos­saise, dont le nom est dif­fi­ci­le­ment pro­non­çable a donné Ander­son, on suit les pre­miers pas d’un enquê­teur fraî­che­ment sorti de l’école. Il a les cer­ti­tudes don­nées par des ensei­gnants bien éloi­gnés de la réa­lité du ter­rain et les réflexes d’une dis­ci­pline désuète. Ses pre­miers pas le confrontent à une maté­ria­lité bien dif­fé­rente. Archie, dimi­nu­tif d’Archibald car, dit-il, son pré­nom fait sou­rire, va décou­vrir, en quelques jours, la quasi-totalité des carac­tères humains, l’amour, la dévas­ta­tion, la dou­leur, la peur, la pug­na­cité quand, ayant dépassé une cer­taine limite, la mort semble la seule solu­tion possible.

Mais c’est aussi à une décou­verte d’une par­tie de l’Australie pro­fonde à laquelle nous convie le roman­cier, les rap­ports entre les Euro­péens et les autoch­tones, les lois édic­tées pour rendre ce que ceux-ci pos­sé­daient, sus­ci­tant cepen­dant bien des rejets. On découvre nombre de détails sur la vie quo­ti­dienne dans ces espaces déser­tiques.
Pas­cal Vati­nel construit son intrigue sur une triste réa­lité, à par­tir d’éléments concrets en vigueur dans des pays capi­ta­listes. Avec cette matière pre­mière qui a trait à l’environnement, il montre com­ment des finan­ciers, des inves­tis­seurs, sous cou­vert de belles paroles, de pseu­dos ONG, d’affichages men­son­gers, de détour­ne­ments de déci­sions pour­tant salu­taires, peuvent conti­nuer à rava­ger des régions entières, de s’approprier le bien com­mun de l’Humanité, comme, par exemple, l’eau qui devient une matière bien plus ren­table que le pétrole.

C’est une magni­fique intrigue que nous offre Pas­cal Vati­nel, ser­vie par une belle gale­rie de pro­ta­go­nistes avec la décou­verte d’un envi­ron­ne­ment peu connu tant par l’éloignement que par la chape de silence qui pèse sur la situa­tion de ces régions.

serge per­raud

Pas­cal Vati­nel, Le chant des galahs, Édi­tions de l’aube, coll. “Noire”, jan­vier 2020, 392 p. – 19,90 €.

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Filed under Pôle noir / Thriller

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